Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier de Martigues (Bouches-du-Rhône)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier de Martigues
Synthèse
Quatre contrôleurs ont effectué une visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier de Martigues (CHM) du 13 au 17 mai 2019. La visite a été annoncée à la direction la semaine précédente. Le rapport provisoire rédigé à l’issue de cette visite a été envoyé le 17 janvier 2020 au directeur du centre hospitalier de Martigues, au préfet des Bouches-du-Rhône, conjointement au président du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence et au procureur de la république près ledit tribunal ainsi qu’au directeur de l’agence régionale de santé-délégation départementale des Bouches-du-Rhône.
Par courrier du 24 février 2020, les chefs du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence ont fait savoir que ce rapport n’appelait aucune observation de leur part ; le directeur du centre hospitalier a exprimé le 28 février 2020 ses observations qui ont été prises en compte dans le présent rapport définitif. Les autres destinataires n’ont pas donné suite à cet envoi.
Le pôle de psychiatrie du CHM ne jouit pas d’une situation institutionnelle et matérielle optimale pour l’accueil des malades de son bassin.
Six hôpitaux publics se partagent la patientèle des vingt-six secteurs de psychiatrie des Bouches-du-Rhône. Le pôle de psychiatrie du centre hospitalier de Martigues, l’un des quatre pôles de l’établissement, couvre les trois secteurs du Sud-Est du département, soit un bassin de 230 000 habitants, caractérisé par la précarité consécutive aux difficultés de l’industrie locale, principalement la sidérurgie. L’offre de prise en charge psychiatrique alternative au CHM est presque inexistante, tant en ce qui concerne les psychiatres – six exercent dans le bassin – que l’hospitalisation temps plein, inexistence relativisée par la proximité de Marseille. Sa file active est représentée au trois-quarts par une population âgée entre 25 et 64 ans. L’offre de soins pour les enfants et adolescents est uniquement ambulatoire, l’inter-secteur de pédopsychiatrie n’offrant aucun lit, les hospitalisations des mineurs se déroulent dans les autres hôpitaux du département disposant de lits de pédopsychiatrie.
Le pôle de psychiatrie du CHM, comporte trois services correspondant aux trois secteurs psychiatriques et une unité intersectorielle de psychiatrie d’accueil d’urgences et de liaison (UIPAUL). Ses soixante-quinze lits d’hospitalisation – vingt-cinq par unité – sont insuffisants pour répondre à la demande conduisant à une sur-occupation chronique, que le développement des activités ambulatoires, intenses, ne parvient pas à juguler. Cette situation s’explique en partie par le faible taux d’équipement puisqu’avec vingt-cinq lits par secteur, la capacité de l’établissement est inférieure à celle des établissements les plus mal dotés du territoire national dont l’équipement se situe à cinquante-quatre lits par secteur, étant précisé que la population des secteurs de Martigues est, elle, dans la moyenne nationale. Outre la sur-occupation, la proportion particulièrement importante de patients admis en soins sans consentement est une autre conséquence de l’insuffisance d’offre, puisque l’établissement a obligation d’accueillir ces patients. Enfin, ce déficit de lits de psychiatrie d’aval conduit au maintien dans le service des urgences d’un certain nombre de patients admis pour des soins sans consentement, maintien qui peut durer de quelques heures à plusieurs jours. Ces patients peuvent alors être placés sur un brancard ou installés dans un lit de l’unité d’hospitalisation de courte durée mais quel que soit le mode d’admission, ils sont mis sous contention et sédatés. Il n’est pas admissible que l’attente de ces patients soit gérée de cette façon indigne et illégale s’agissant des mesures de contrainte.
A cette première difficulté s’ajoutent des conditions matérielles d’hébergement dégradées s’agissant de certaines chambres (dégradation des salles d’eau, des volets), inadaptées à la vie collective (absence de salles de visite, espace unique pour les repas, les activités et la télévision) et indignes pour les secteurs d’isolement.
Le projet d’humanisation porté, par la direction qui a reçu l’accord et le financement de l’agence nationale de santé, devrait mettre un terme à cette situation. Il convient de veiller à ce que les travaux correspondant soient effectivement réalisés et que cette démarche soit complétée par l’ouverture de l’unité supplémentaire qu’appelle le déficit de capacité d’hospitalisation.
Enfin, l’absence de politique de pôle, motivée par le souci de respecter la légitime liberté de pratiques médicales diverses des chefs d’unité, pèse sur la qualité globale de certains aspects institutionnels de fonctionnement. Le défaut de coordination nuit également à la qualité du suivi somatique des patients qui n’est pas protocolisé : aucun généraliste n’assure un passage systématique même pour les patients placés en chambre d’isolement.
La gestion des procédures de soins sans consentement et celle des procédures d’isolement atténuent la portée d’une préoccupation partagée de respect de la dignité des patients et de leurs droits.
Une bonne dotation en personnel de toutes catégories, des postes de psychiatres en nombre suffisant avec peu de vacances et une forte présence des psychiatres dans les unités garantissant une prise en charge solide. Les soignants se montrent très attentifs et ouverts, le patient est prioritaire dans leurs actions. L’ensemble participe certainement de l’atmosphère plutôt sereine perçues dans les trois unités.
Doit être relevé positivement le souci général de ne pas contraindre les patients au-delà du nécessaire thérapeutique. Le statut d’admission ne pèse pas sur la prise en charge, et c’est la situation clinique qui fonde l’approche, sans restriction générale et absolue, sauf sur l’usage du téléphone dans l’une des unités mais cette restriction est au moins formellement justifiée comme outil thérapeutique suscitant des occasions d’échanges avec les soignants et elle est, en outre, appliquée de façon très souple.
En revanche, les droits spécifiques des patients en soins sans consentement ne sont pas intégrés par les équipes qui subissent la loi de 2011 de façon très distante, le respect de ses prescriptions est très parcellaire. Les conditions de présentation devant le juge des libertés et de la détention, trop éloigné de Martigues pour pouvoir remplir correctement sa mission auprès de patients découragés par son éloignement, ne rencontrent qu’indifférence. Le suivi des mesures est confié à des agents du bureau des entrées, certes impliqués et soucieux de bien faire mais insuffisamment formés pour les responsabilités qui leurs sont confiées. Il convient de préciser que cet état de fait a été corrigé après les recommandations formulées sur ce point lors de la visite.
Si toutes les unités sont ouvertes, existe dans chaque unité un secteur fermé dit de « soins intensifs », d’une capacité de quatre lits et ayant vocation à accueillir essentiellement des patients en soins sans consentement en période de crise, voire des patients venant du secteur d’isolement. L’utilisation de ces secteurs fermés laisse perplexe dans la mesure où, leurs quatre lits étant comptés dans la capacité d’accueil de chaque unité, ils sont nécessairement occupés et peuvent donc se trouver l’être par des patients ne remplissant les conditions prévues. Il importe donc que la pertinence de cette organisation soit réévaluée à l’occasion de la mise en œuvre du projet d’humanisation.
Enfin, le recours à l’isolement est opéré dans des conditions matérielles indignes : Les chambres d’isolement n’ont pas de double entrée ni de sas. Elles ne disposent que d’un matelas placé au sol à proximité de la dalle-WC, disposition qui laisse perplexe sur les conditions d’hygiène, et son impact sur les patients ayant une vue directe sur ces toilettes toute la durée de leur isolement, y compris pendant les repas pris assis sur le lit faute d’autre mobilier. Aucun dispositif d’appel n’est installé et l’occupant qui a besoin d’appeler doit frapper à la porte et crier sans être certain d’être entendu des soignants qui ne se tiennent pas toujours à proximité. Le suivi des mesures n’est pas opéré dans les conditions de traçabilité prévues par la loi et les recommandations de bonne pratique, notamment aucune visite médicale régulière n’est opérée, à tout le moins tracée. Effet des divergences thérapeutiques qui opposent les médecins des trois unités, aucune réflexion commune n’est conduite au niveau du pôle et, a fortiori, aucune politique commune n’encadre des pratiques d’isolement ou de contention respectueuses de la dignité et des droits des patients par l’élaboration de protocoles communs à l’ensemble des services du pôle de psychiatrie.
Il n’est pas acceptable que la prise en charge des patients isolés pâtisse, à travers ce déficit de réflexion collective, de l’incapacité des différents chefs de pôle à surmonter leurs divergences de pratique clinique.