Observations du ministère de l’intérieur – DIDPAF d’Ajaccio
SYNTHESE
Deux contrôleurs du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont effectué une visite inopinée des unités de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Corse à Ajaccio, les 3 et 4 avril 2017.
Les locaux, implantés au sein de l’aéroport Napoléon Bonaparte, sont utilisés par la direction interdépartementale, le service de la police aux frontières de l’aéroport (SPAFA) et la brigade mobile de recherche (BMR). Ils sont suffisamment bien signalés pour permettre l’arrivée des personnes venant rendre visite à des proches placés en rétention administrative.
Dans ces bâtiments, la police aux frontières ne dispose que de deux chambres, constituant le local de rétention administrative (LRA), avec un téléphone fixe et un affichage pour les informations réglementairement prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), et d’une cellule de garde à vue. Les policiers y procèdent :
- à des gardes à vue : elles sont peu nombreuses (6 en 2015, 6 en 2016 et aucune au premier trimestre 2017) car les personnes mises en cause sont le plus souvent entendues en audition libre ; les prolongations sont rares ;
- à des rétentions administratives : elles sont plus fréquentes (109 en 2015, 64 en 2016 et 18 au premier trimestre 2017) même si les décisions d’éloignement sont majoritairement accompagnées d’une assignation à résidence (et non d’un placement en rétention) ;
- à des retenues pour vérification du droit au séjour, prises lors des opérations de contrôle d’identité menées plusieurs fois par semaine, sur réquisition du procureur de la République, comme cela a été le cas lors de la visite.
Ces locaux souffrent aussi de l’absence de pièces réservées aux auditions, aux examens médicaux (avec une table d’examen et un point d’eau) et aux entretiens avec les avocats ; le bureau des plaintes et une salle de réunion y pallient.
L’entretien de la cellule et des chambres est mal assuré. Lors de la visite, le bloc sanitaire de la cellule était sale et la salle d’eau d’une des deux chambres n’avait fait l’objet d’aucun nettoyage à l’issue de la précédente utilisation. La hiérarchie doit être vigilante sur ce point.
Des kits d’hygiène ont été mis en place mais aucun produit spécifique n’a été prévu pour les femmes. Les serviettes de toilette sont en nombre insuffisant pour permettre l’utilisation de la douche ; le jour de la visite, aucune n’était disponible car elles étaient à la blanchisserie. Des compléments de dotation sont donc nécessaires.
Le retrait des lunettes et des soutiens-gorge est systématique selon les interlocuteurs rencontrés même si, au moment de la visite, une personne retenue disposait de sa paire de lunettes. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté rappelle que ces retraits ne doivent être décidés qu’au cas par cas, en fonction de critères objectifs, et qu’ils doivent alors être limités aux seules périodes passées en cellule.
Les policiers restent attentifs aux conditions de vie des personnes privées de liberté comme en attestent la possibilité d’améliorer l’ordinaire des repas par des achats qu’ils effectuent à la brasserie de l’aéroport, sur les deniers de celles qui le demandent et avec une justification rigoureuse de la dépense, la possibilité d’aller fumer à l’air libre, la constitution d’un stock de vêtements de seconde main pour dépanner les plus démunies et les précautions prises pour éviter tout croisement avec le public.
Il convient également de noter l’utilisation rare des moyens de contrainte pendant le transport, décidée après une évaluation au cas par cas, tenant compte de la circulation sur des routes souvent sinueuses. Cette pratique judicieuse mérite d’être soulignée.
Cependant, lors de la levée de la mesure, les personnes retenues sont remises en liberté sur place, à l’aéroport, alors qu’elles ont souvent été interpellées loin d’Ajaccio. Une aide matérielle peut être accordée aux plus démunies pour leur permettre de prendre un transport en commun pour le retour.
Les droits sont bien respectés : les magistrats sont facilement joignables, les examens médicaux sont réalisés sans difficulté, les avocats interviennent, les interprètes sont disponibles. La hiérarchie locale de la police aux frontières veille à la régularité des procédures et les différents registres sont bien tenus.
Les personnes retenues disposent de leur téléphone mobile et peuvent le faire recharger. Elles ont également accès au téléphone mural installé dans chaque chambre de rétention. Cette situation est cependant dégradée, comme c’était le cas lors de la visite, lorsqu’elles sont placées dans la cellule de garde à vue car aucun équipement identique n’y existe ; une telle affectation ne doit donc intervenir qu’en ultime recours, faute de places disponibles dans les chambres.
Les magistrats ne visitent pas régulièrement les locaux de la police aux frontières, la dernière venue datant, au moment de la visite, de plus d’un an. Les dispositions légales de l’article 41 alinéa 3 du code de procédure pénale doivent s’appliquer.