Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la troisième visite de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis (Essonne)

Rapport de la troisième visite de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis (Essonne)

Observations du ministère de l’intérieur – Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (maison d’arrêt des hommes et maison d’arrêt des femmes)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, le 15 juillet 2020 aux ministères de la justice, de la santé et de l’intérieur auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, seul le ministère de l’intérieur a produit des observations.

Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis (3e visite)

 

Synthèse

En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), six contrôleurs ont effectué un contrôle de la maison d’arrêt des femmes (MAF) de Fleury-Merogis (MAFM) (Essonne) du 11 au 15 février 2019.

Cette mission constituait une troisième visite. Elle faisait suite à un premier contrôle réalisé en janvier 2010 et à un deuxième conduit entre le 30 mars et le 2 avril 2015.

Le rapport provisoire a été adressé à la MAFM le 7 août 2019. La direction de l’administration pénitentiaire (DAP) a fait parvenir ses éléments de réponse par courriel en mars 2020.

Une visite de la maison d’arrêt des hommes (MAH) de la MAFM, la deuxième, a été réalisée du 5 au 7 novembre 2018. Le présent rapport renvoie parfois au rapport établi pour la visite de la MAH lorsque des éléments sont communs.

La maison d’arrêt des femmes (MAF) a été construite en 1968 et n’a pas fait l’objet de travaux de rénovation depuis cette date. Ainsi les cellules ont été conçues sans douche et la capacité électrique est insuffisante – cela se traduit notamment par l’absence de réfrigérateur en cellule.

Les capacités sont les suivantes : le quartier des femmes offre 201 places, le quartier des mineures (QM) 19 places, le quartier « mères-enfants » 20 places avec une nurserie, le quartier des arrivantes majeures (QA) 8 places, le quartier d’isolement (QI) 10 places, le quartier disciplinaire (QD) 2 places, le SMPR[1] 9 places, ainsi qu’une cellule de protection d’urgence (CProU). La MAF ne dispose pas de quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) ni de quartier de semi-liberté (QSL). Les prévenues et les condamnées sont séparées sauf à la nurserie. Les prévenues sont affectées dans trois ailes comportant des cellules et trois dortoirs (deux à quatre places et un à cinq places). Les condamnées sont affectées dans trois autres ailes comportant des cellules et treize dortoirs (six à quatre places, un à cinq places et six à six places).

Lors de la visite, le 11 février 2019, 297 personnes étaient incarcérées dont une mineure, sans compter les treize bébés. La densité carcérale était de 116,5 % ; 20 % des personnes détenues étaient seules en cellule. Le QA hébergeait treize personnes, le SMPR et le QD respectivement deux. Aucun matelas n’était posé sur le sol.

Le personnel de surveillance est en déficit : 33 % chez les officiers, 12,5 % chez les gradés et 4,7 % chez les surveillants. Le turnover des surveillants est élevé, ce qui rend très sensible le déficit d’encadrement et peut expliquer la dureté des relations.

Des cartons de couleur jaune ou rouge sont collés sur les portes de certaines cellules pour indiquer la dangerosité des personnes détenues ; cette procédure n’encourage pas le personnel de surveillance à connaître de façon individuelle la population pénale. La gestion de la détention fait cependant l’objet d’une attention soutenue afin de minimiser les violences au sein des cellules et des dortoirs.

L’ambiance de la maison d’arrêt est marquée par la dégradation continue de la structure immobilière : des douches collectives manifestement insalubres (aucune cellule n’est équipée de douche), des défauts d’étanchéité et l’absence d’isolation. L’état des parloirs, comme les difficultés de réservation d’un créneau, constituent autant de doléances des familles, même si les contrôleurs ont pu constater la volonté des surveillants pénitentiaires d’humaniser ces instants. Cela accentue les difficultés qui pèsent autant sur les conditions de travail du personnel que sur les conditions d’hébergement des détenues.

Le quartier mère-enfant a connu des évolutions importantes pour la prise en charge des enfants : les cellules et les sanitaires sont en état, le jardin a été aménagé, la création d’une mini-crèche permet aux mères de travailler en détention, les surveillantes pénitentiaires assument là des responsabilités utiles qui n’étaient pas couvertes par l’administration lors de la visite.

Le quartier des mineures a été rénové mais la vétusté de l’immobilier demeure. Si la prise en charge des mineures ne soulève plus les difficultés connues antérieurement, l’arrivée en nombre de mineures non accompagnées (MNA) en soulève de nouvelles, non résolues, sur leur prise en charge en fin de peine en dépit des efforts importants accomplis par la protection judiciaire de la jeunesse.

La procédure « arrivantes » n’appelle pas d’observation et les cellules de ce quartier sont maintenues dans un état correct, mais demeurent sans interphone, comme toutes les autres.

A la différence de la MAH, la restauration est assurée en interne et donne globalement satisfaction.

La faiblesse de l’offre de produits en cantine à destination des femmes détenues tient en à la centralisation des services à la MAH comme à l’absence de prise en compte de la féminité : ni les collants ni les soutiens-gorge ni les couleurs pour les cheveux ne sont cantinables. En outre, les difficultés connues à la MAH, rencontrées à la MAF, sont aggravées par le manque de personnel, comme le constate le chef d’établissement dans sa réponse au rapport provisoire.

La paupérisation croissante de la population pénale a été constatée. Si la CPU accorde un crédit de téléphone aux personnes reconnues comme sans ressources suffisantes, les contrôleurs ont constaté que la procédure était mal respectée et des personnes détenues étaient écartées de ce statut pour de mauvaises raisons.

La gestion du courrier appelle une observation sur l’absence de boites pour le courrier destiné au SPIP car les demandes sont rédigées le plus souvent sur papier libre, non mis sous enveloppe. Antérieurement le vaguemestre envoyait l’argent des personnes détenues aux proches démunis de comptes en banque via des structures telles que Western Union ou Moneygram. De façon surprenante, cette mission est désormais assurée par une association en lieu et place de l’administration pénitentiaire. Les points-phones ne garantissent pas la confidentialité des communications et les décalages horaires importants ne sont pas pris en compte.

En matière de travail pénitentiaire, la CPU de classement ne doit plus être virtuelle. Le volume de travail aux ateliers et les salaires afférents sont insuffisants. Les formations professionnelles doivent être élargies, car les deux sessions annuelles de « vente en jardinerie » ne répondent que partiellement aux capacités de la population pénale. L’absence d’Internet en détention demeure un handicap pour la formation professionnelle comme pour celle délivrée par les professeurs de l’éducation nationale.

Le nombre de fouilles par palpation ou intégrales est apparu abusif. Leurs conditions n’ont pas été constatées comme globalement respectueuses de la dignité des personnes détenues. L’emploi des moyens de contrainte lors des extractions médicales et la présence de personnel de surveillance pendant les examens médicaux démontrent l’absence de personnalisation des niveaux d’escorte et de surveillance.

La pénurie de médecins somaticiens limite la prise en charge médicale, comme l’absence de cadre de santé. Les locaux de l’unité sanitaire sont insuffisants tant en quantité qu’en qualité. L’absence de l’informatisation des dossiers patients, comme celle du circuit du médicament, laisse planer un doute sur la cohérence des soins. L’absence de bilan d’activité, établi sur des bases certaines, renforce ce doute. Le fonctionnement des dispositifs des soins somatiques (DSS) et psychiatriques (DSP), est insuffisamment structuré et pris en compte par l’établissement de sante de référence.

Le plan de prévention du suicide n’était toujours pas finalisé alors que sa mise en place est manifestement nécessaire, encore plus qu’à la MAH. Cela est d’autant plus sensible que la moitié de la population pénale est formée de personnes étrangères et que les dispositions prises pour limiter leur isolement du fait des difficultés linguistiques sont minimalistes.

En ce qui concerne l’application des peines, le greffe de l’établissement, en plein accord avec le service de l’application des peines (SAP), se substitue au service compétent du TGI d’Evry pour examiner la recevabilité des demandes de permission de sortir. Une telle situation ne peut perdurer, même si les volumes de dossiers à traiter sont considérables. En parallèle, le greffe de l’établissement n’est pas en mesure de quantifier les sorties sèches et donc de faire demander des prises en charge adaptées.

Le point d’accès au droit (PAD) est assuré d’une façon remarquable, notamment en raison des compétences linguistiques de la juriste expérimentée recrutée par l’association. Le financement d’une personne ressource dite référent droits sociaux par l’association CASP-ARAPEJ facilite la délivrance des cartes nationales d’identité.

En conclusion, la dégradation avancée de l’infrastructure appelle la mise en œuvre de travaux importants de rénovation. Cette recommandation a déjà été exprimée lors des précédentes visites.

Même si la MAF s’appuie sur des services communs à la MAFM, son éloignement de la MAH milite pour qu’elle dispose d’une adaptation des règles qui devraient être différentes de celles des divisions de la MAH. En outre les délégations accordées à la directrice de la MAF, identiques à celles des directeurs des différentes divisions de la MAH, ne permettent pas de prendre en compte les spécificités d’un établissement pour femmes, en dépit des affirmations contraires du chef d’établissement.

[1] SMPR : service médico-psychologique régional.