Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt du Val-d’Oise à Osny (Val-d’Oise)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt du Val-d’Oise à Osny (2e visite)
Synthèse
Huit contrôleurs ont effectué une visite de la maison d’arrêt du Val-d’Oise (MAVO), située à Osny (Val-d’Oise), du 4 au 13 mars 2019. L’établissement avait été contrôlé, une première fois, en septembre 2013.
Un rapport provisoire a été adressé le 5 juillet 2019 au chef d’établissement, au directeur du centre hospitalier René Dubos de Pontoise et aux chefs de juridiction du tribunal de grande instance (TGI) de Pontoise. Seul le procureur de la République a transmis des observations, qui ont été intégrées dans le rapport définitif.
En outre, compte tenu des graves déficits constatés dans la prise en charge sanitaire des personnes détenues et les nombreux dysfonctionnements observés au sein de l’unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP), la ministre des solidarités et de la santé avait été saisie dès la fin de la mission, en application de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007, afin de lui recommander l’envoi d’une mission d’inspection. En réponse, la ministre a indiqué, dans un courrier daté du 25 juillet 2019, que l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France avait été chargée d’examiner la situation.
Construit dans le cadre du « plan 13 000 » à la fin des années 80, qui inaugurait la gestion déléguée de certaines fonctions par l’administration pénitentiaire à des prestataires privés, la MAVO reçoit exclusivement des hommes majeurs. L’établissement connaît une surpopulation endémique : au premier jour du contrôle, 881 personnes y étaient détenues (39 % étaient prévenues, 56 % étaient âgées de moins de 30 ans), pour une capacité de 579 places, soit un taux d’occupation de 152 %, qui explique pourquoi moins d’une personne sur cinq – hors quartiers spécifiques – bénéficiaient d’un encellulement individuel.
L’établissement illustre parfaitement la situation décrite dans le rapport du CGLPL : « Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale », publié le 7 janvier 2018 aux éditions Dalloz.
La plupart des personnes qui y sont incarcérées passe la quasi-intégralité de leur temps de détention en cellule, dans des conditions de forte promiscuité, bénéficiant d’une offre de travail (187 postes pour 880 détenus) et d’activités insuffisantes. Les infrastructures sont vieillissantes et sur-utilisées (douches, équipements des cours de promenade) ou sous-dimensionnées (parloirs, locaux sanitaires) et, tous les services sont saturés.
La situation est aggravée par deux difficultés supplémentaires.
La première a trait aux défaillances constatées sur l’ensemble des prestations de la gestion déléguée. La maintenance des locaux – notamment les cellules, les douches et les cours de promenade – est déficience. La qualité des repas servis et l’organisation de leur distribution ne donnent pas satisfaisaction. Il en est de même de l’offre et de la livraison des produits vendus en cantine.
La seconde est liée à l’effectif et à la gestion du personnel de surveillance. Au moment du contrôle, la somme des vacances de postes, des indisponibilités durables et des arrêts de travail représentait 30 % de l’effectif prévu à l’organigramme de l’établissement. Les surveillants exerçant en détention se retrouvent seuls à gérer des bâtiments constitués de quatre ailes hébergeant environ 150 personnes détenues.
Les dysfonctionnement qui en résultent sont édifiants.
Les surveillants sont toute la journée accaparés par des tâches basiques (contrôles d’effectif, douches, repas, parloirs, etc.) et ne sont disponibles ni pour assurer les déplacements des personnes détenues à leurs rendez-vous et à leurs activités, ni pour permettre au personnel du gestionnaire privé d’assurer ses prestations (maintenance, change de draps, etc.). En outre, matin et après-midi, ils sont de fait totalement indisponibles pendant le déroulement des mouvements de promenade. Pendant ce temps, des personnes détenues stationnent dans les couloirs et derrière les grilles, des cellules restent ouvertes, le tout générant de l’insécurité.
La gestion est aussi compliquée par l’architecture de l’établissement. Les ailes regroupant les cellules sont sur deux niveaux reliés par un escalier étroit et tournant. En outre, la segmentation des bâtiments met à distance les secteurs d’hébergement (et les cours de promenade qui en sont les prolongements) des services et des centres de décision, ce qui laisse personnes détenues et surveillants seuls dans un face à face que les uns et les autres qualifient d’abandon…
Le quotidien se déroule avec des surveillants débordés, apostrophés en permanence, parfois avec une grande virulence et est rythmé par les incidents et les interventions. Dans un tel contexte, les relations entre surveillants et détenus se caractérisent par une grande familiarité – le tutoiement est généralisé – et une absence de distance institutionnelle.
Outre ce qu’ils ont constaté par eux-mêmes, les contrôleurs ont fait état auprès du chef d’établissement, nouvellement installé, d’allégations recoupées mettant en exergue une permissivité accrue durant le week-end, voire une corruption de la part de membres du personnel, phénomène dont les officiers mettraient en garde les arrivants leur paraissant les plus fragiles et les moins aguerris à la vie de la détention.
Le présent rapport contient soixante et une recommandations et propositions, dont le détail fait apparaître une grande diversité dans de nombreuses directions. Parmi elles, le quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) et la prise en charge sanitaire méritent une attention particulière.
Les « unités dédiées » ont été remplacées par des quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) à la suite de l’attentat survenu à Osny en septembre 2016. Le fonctionnement du QER a été profondément modifié dans le sens d’un renforcement des mesures de sécurité. Le nouveau régime de détention se rapproche de celui d’un quartier d’isolement. Il s’applique avec une grande rigueur pendant les quatre mois d’une session à l’égard de personnes, dont les conditions de détention contrastent avec le régime qu’elles avaient eu antérieurement à connaître et avec celles que la plupart d’entre elles retrouvent à l’issue d’un séjour au QER. Le dispositif pose, en outre, la question de la compatibilité de ce type d’évaluation pour une personne prévenue avec le déroulement d’une instruction judiciaire en cours et le respect du principe de la présomption d’innocence.
La présence médicale est particulièrement réduite – une seule médecin généraliste et un psychiatre ne consultant qu’une demi-journée par semaine – pour assurer la prise en charge de près de 900 personnes. Plusieurs défaillances dans des prises en charge individuelles ont été relevées. Le fonctionnement du service fait l’objet de nombreuses critiques et souffre d’une faible cohésion de l’équipe. Les locaux médicaux restent inadaptés au volume de l’activité et les travaux d’extension annoncés depuis plusieurs années ne sont toujours pas réalisés. La coordination entre les différents partenaires n’est pas organisée de manière institutionnelle. De nombreuses hospitalisation et consultations extérieures sont annulées sans que les motifs en soient précisément connus.