27 mars 2020
Le secteur de la santé mentale a d’ores et déjà pris des mesures pour s’adapter à la situation créée par l’épidémie de Covid-19. La réactivité des responsables locaux, le professionnalisme et l’adaptabilité de toutes les catégories de personnel pour assurer le maintien de la qualité des soins sont remarquables. Pour autant, les informations en provenance des établissements spécialisés ainsi que des services de psychiatrie des hôpitaux généraux montrent que la situation est particulièrement préoccupante et le retard observé dans la transmission de consignes nationales a conduit les agences régionales de santé à donner des indications différentes selon les régions.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a saisi le ministre de la santé pour lui demander que des mesures soient prises afin de garantir la protection des patients et des soignants ainsi qu’une prise en charge hospitalière et ambulatoire assurant la continuité des soins psychiatriques, dans le respect des droits des patients. La psychiatrie ne doit pas être une fois encore parent pauvre de la médecine et les personnes atteintes de troubles mentaux ne doivent pas être moins bien traitées que les autres patients.
La faiblesse des moyens matériels pour faire face à l’épidémie de Covid-19 touche tous les hôpitaux et met cruellement en lumière la situation du secteur psychiatrique. Pour les agences régionales de santé la psychiatrie n’est pas prioritaire dans la distribution du matériel de protection : dans plusieurs régions la répartition des masques, solutions hydroalcooliques et kits de dépistage ne prévoit délibérément aucune attribution à la psychiatrie. Le CGLPL recommande que les autorités sanitaires assurent l’approvisionnement des établissements spécialisés en matériels de prévention et de détection pour permettre une prise en charge adaptée et sécurisée.
Le maintien des mesures de confinement dans la durée posera des difficultés particulières pour la population des personnes suivies en psychiatrie. Il convient de les anticiper pour assurer la poursuite des soins dans le respect des droits des patients.
Pour les personnes suivies par les structures extrahospitalières, les manifestations de leurs troubles psychiques risquent d’être aggravées par les mesures de confinement, pouvant mener à des crises. Il convient de prévenir au mieux la présentation de patients en décompensation dans les services d’urgence, en maintenant au maximum les prises en charge ambulatoire. L’harmonisation du fonctionnement des services extrahospitaliers doit être mieux assurée : des consignes doivent être données pour que les centres médico psychologiques maintiennent leurs activités, les entretiens téléphoniques étant privilégiés mais sans exclure la possibilité de recevoir les patients les plus perturbés.
Afin de pouvoir anticiper une éventuelle augmentation des hospitalisations de patients en situation de crises, les cliniques psychiatriques privées pourraient être mobilisées pour accueillir des patients en soins libres transférés des établissements publics de santé mentale afin d’y libérer des lits pour les patients en soins sans consentement.
Au sein des établissements, des mesures ont souvent été prises pour minimiser les perturbations causées par le confinement. L’interruption des visites des familles est compensée en facilitant les relations par téléphone ou internet. Le CGLPL recommande à ce titre que les patients disposent librement de leur téléphone personnel, les exceptions ne pouvant être justifiées que par l’état clinique du patient. Selon la disponibilité du personnel et la disposition des locaux, l’accès à l’air libre et les promenades dans le parc doivent rester possibles afin de prévenir les tensions. De même, l’accès au tabac doit être garanti.
La plupart des juges des libertés ne tiennent plus d’audiences foraines et statuent sur dossier. Pour respecter le droit des patients en soins sans consentement, des audiences doivent être organisées par visio-conférence. En cas d’impossibilité de recourir à un tel moyen, le juge peut entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication, y compris téléphonique. Les médecins ne doivent pas conforter les pratiques des juges en faisant des certificats de contre-indication à la présentation de patients devant le juge alors que leur état clinique le permet.
S’agissant de la prise en charge thérapeutique, le maintien, comme il est prévu, dans les établissements spécialisés des patients qui contracteront le Covid-19 doit être coordonné avec les établissements généraux. Ce maintien nécessite la présence de médecins et de soignants en nombre suffisant pour assurer une prise en charge somatique de qualité. Enfin, cela ne doit pas avoir pour conséquence un accès insuffisant aux services de soins intensifs des hôpitaux généraux pour les patients dont l’état se dégraderait. En pareil cas, un égal accès aux soins somatiques devra leur être garanti avec un transfert en hôpital général, la liaison psychiatrique nécessaire devant éventuellement être renforcée.
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