Dans une décision du 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a jugé contraire à la Constitution l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, qui encadre la pratique de l’isolement de la contention dans les établissements de santé mentale.
Il considère en effet que ces dispositions sont inconstitutionnelles en ce qu’elles ne permettent pas au juge judiciaire d’exercer la mission que lui confie l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. – L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».
Le Conseil constitutionnel, considérant que l’isolement et la contention « constituent une privation de liberté », constate que le législateur a omis de préciser la durée de ces mesures et le délai dans lequel un juge devait intervenir pour les contrôler, abroge l’article contesté et, afin de laisser au législateur le temps nécessaire pour prendre les mesures nécessaires à son remplacement, reporte au 31 décembre 2020 l’effet de sa décision.
Les dispositions abrogées, introduites par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, ont en leur temps constitué un progrès pour la protection des droits des patients placés à l’isolement ou sous contention : elles ont permis de fixer des conditions et de donner des limites à des pratiques autrefois entièrement dépourvues de fondement juridique et qualifiées de « thérapeutiques », bien que leur effet dans le traitement de la maladie n’ait jamais été démontré. Le recours à l’isolement et à la contention était désormais fondé sur une décision, et non sur une prescription et son objectif était enfin clair : protéger contre un risque immédiat ou imminent pour le patient ou autrui.
Dès 2016, dans son rapport thématique Isolement et contention dans les établissements de santé mentale, le CGLPL avait cependant souligné que toute décision doit pouvoir être contrôlée par un juge et avait invité le législateur à désigner ce juge et à définir les modalités de son intervention. Depuis cette date, notamment dans son Rapport annuel 2019, rendu public le 4 juin 2020, et plus récemment encore, dans un rapport thématique Soins sans consentement et droits fondamentaux, publié le 17 juin dernier, le CGLPL a invité le législateur à s’emparer de cette question.
Dans ce dernier rapport, le CGLPL souligne que « le contrôle du juge n’a pas trouvé sa plénitude » et recommande que « le législateur [désigne] le juge compétent pour statuer sur les recours relatifs aux décisions de placement en isolement et [précise] la procédure du recours. » (Recommandation 47).
La décision du Conseil constitutionnel fait aujourd’hui entrer dans le droit les recommandations du CGLPL. Le législateur est contraint d’agir dans les six prochains mois ; souhaitons qu’il mette cette occasion à profit pour s’emparer de l’ensemble de la question des droits fondamentaux des patients en soins sans consentement.