Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du pôle de psychiatrie du centre hospitalier de Dax (Landes)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre hospitalier Dax Côte d’argent

 

Synthèse

Cinq contrôleurs du Contrôleur général des lieux de
privation de liberté (CGLPL) ont effectué une visite inopinée du pôle de
psychiatrie et du service des urgences du centre hospitalier (CH) de Dax-Côte
d’Argent à Dax (Landes) du 27 novembre au 1er décembre 2017.

Un courrier a été adressé le 16 janvier 2018 à la ministre
des solidarités et de la santé afin d’appeler son
attention sur des dysfonctionnements observés au sein de l’unité de psychiatrie
générale (UPG) du pôle de psychiatrie de cet établissement, ceux-ci ayant des
conséquences sur les droits fondamentaux des personnes placées en soins sans
consentement. Une inspection a été effectuée les 15 et 16 janvier ainsi que le
6 février 2018 par les services de l’agence régionale de santé (ARS) de
Nouvelle-Aquitaine.

En vue du recueil de leurs observations, un rapport a été
adressé le 15 mars 2018 au directeur du CH de Dax-Côte d’Argent, au directeur
du CH de Mont-de-Marsan, au président du tribunal de grande instance (TGI) de
Dax, au procureur de la République près le TGI de Dax, au directeur général
(DG) de l’ARS de Nouvelle-Aquitaine et au préfet des Landes. Les directeurs des
CH de Mont-de-Marsan et de Dax-Côte d’Argent, le DG de l’ARS de
Nouvelle-Aquitaine et le préfet des Landes ont fait parvenir au CGLPL leurs
observations qui sont intégrées dans le présent document.

Le département des Landes est divisé en quatre secteurs de
psychiatrie adulte et deux intersecteurs de psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent. Le secteur rattaché à Dax compte 144 604 habitants[1], les trois
autres secteurs (comptant 262 204 habitants) étant rattachés au CH de
Mont-de-Marsan. Le département comporte quatre établissements
psychiatriques : deux CH publics, à Dax et à Mont-de-Marsan, chacun
comportant un pôle de psychiatrie habilité à hospitaliser des patients en soins
sans consentement (SSC), et deux établissements privés : la clinique Maylis
à Narrosse et celle pour adolescents Jean Sarrailh à Aire-sur-Adour.

Le CH de Dax comporte 1 000 lits et places. Le pôle de
psychiatrie s’appuie sur un dispositif en intra et en extra hospitalier. En
intra hospitalier, le site Vincent-de-Paul abrite l’unité de psychiatrie
générale (UPG), construite en 1997[2],
qui compte quinze lits d’hospitalisation complète pour adultes, une chambre
d’isolement et une chambre de surveillance, et le service des urgences
psychiatriques dénommé « consultation d’accueil psychiatrique d’urgence ou
CAP ». Le site du Lanot abrite un établissement d’hébergement pour
personnes âgées dépendantes (EHPAD) avec trente lits pour la psycho-gériatrie
et une unité de vingt lits d’hébergement renforcé pour la psycho-gériatrie. En
extra hospitalier, le CH de Dax s’appuie sur des structures à Dax et à
Saint-Vincent-de-Tyrosse, sur quatre antennes de consultation implantées dans
d’autres communes et sur une équipe mobile psychiatrie précarité (EMPP).

Concernant les SSC, tous les patients faisant l’objet de
mesures prises sur décision du représentant de l’état (SDRE) sont adressés
directement au CH de Mont-de-Marsan sans transiter par les urgences du CH de
Dax. Tous les patients faisant l’objet de soins à la demande d’un tiers (SDT)
sont systématiquement vus en première intention au CAP du CH de Dax, puis
transférés secondairement au CH de Mont-de-Marsan. Après l’hospitalisation à
Mont-de-Marsan, une fois leur état clinique stabilisé, les patients sont ré
adressés à l’UPG.

Les unités de psychiatrie des deux CH du département sont
parfois saturées et les éventuelles sur occupations conduisent à des sorties et
des transferts anticipés. Cette situation est cependant intégrée dans la
politique de l’ARS qui diminue le nombre de lits de psychiatrie du département
–  le taux d’équipement du département
des Landes étant inférieur à la moyenne régionale et nationale dans une
proportion d’au moins 30 %.

Les points essentiels
ressortant de ce contrôle sont les suivants
 :

  • la multiplicité de lieux de séjour des patients
    en SSC, donc la diversité de pratiques de soins – ces pratiques n’étant pas
    harmonisées. Ces transferts sont trop souvent opérés alors que le patient n’est
    pas encore stabilisé. Cette situation interroge la pertinence de la succession
    de prises en charge comme celle de la politique de réduction du nombre de lits
    dans un département déjà sous-équipé ;
  • l’absence de projet de pôle, la dichotomie de
    fonctionnement entre les prises en charge intra et extrahospitalières et le
    déficit de concertation au sein de l’UPG. La psychothérapie institutionnelle,
    pratiquée jusqu’en 2005, et sa disparition au profit des pratiques de type
    thérapie cognitivo-comportementale, pratiquées depuis 2010, ne permettent pas à
    elles seules d’expliquer les tensions qui se traduisent notamment par un turn-over anormalement élevé au sein de
    l’UPG ;
  • l’absence de réflexion collective sur le recours
    à l’isolement, des pratiques de prise en charge
    contrevenant aux droits des patients, telles que la proposition aux patients de
    signature de « lettre d’engagement »
    d’acceptation de séance de sismothérapie si leur état clinique venait à
    s’aggraver ou le recours fréquent à des prescriptions médicales
    « d’isolement sensoriel » non référencées dans la littérature. Le
    registre d’isolement n’est pas renseigné de façon à permettre d’évaluer les
    pratiques professionnelles et n’est pas examiné par la commission
    départementale des soins psychiatriques ; l’absence totale d’activités
    thérapeutiques ou même d’activités occupationnelles, les restrictions
    systématiques aux libertés individuelles (interdiction de sortir de l’unité,
    d’utiliser un téléphone de façon autonome, impossibilité de fermer sa chambre
    ou son placard) sont la règle sans pour autant être ni individualisées ni
    justifiées médicalement. Par ailleurs, les patients en SSC ne disposent d’aucune
    information sur leurs droits ;
  • l’absence de contrôle du circuit du médicament.

L’inspection diligentée par le directeur général de l’ARS de
Nouvelle-Aquitaine, en janvier et février 2018, avant la rédaction du rapport CGLPL
a confirmé les constats effectués par ce dernier. Ainsi, outre les réponses
apportées aux recommandations à caractère ponctuel, il écrit : « un travail de recomposition de l’offre en
psychiatrie générale est engagé dans les Landes. Au regard des besoins
territoriaux, les orientations communiquées à l’occasion de l’élaboration du projet
médical et soignant partagé du GHT concernant la filière santé mentale des
Landes concernent prioritairement l’organisation des urgences psychiatriques et
des soins sans consentement, ainsi que l’égale accessibilité à la population
landaise aux différentes modalités de prise en charge en santé mentale avec un
renforcement de l’offre proposée en partie Sud et Ouest. Dans ce cadre, la
place de l’UPG du CH de Dax et le dimensionnement des lieux d’accueil des
urgences psychiatriques sont réinterrogés
 ». Cette recomposition
apparaît nécessaire autant que la mise en œuvre des recommandations formulées
dans le présent rapport.


[1] Source
INSEE 2015.

[2] Avant
1997, le CH de Dax n’avait pas de lit d’hospitalisation complète en
psychiatrie.