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Rapport de visite du centre pénitentiaire de Valence (Drôme)

Rapport de visite du centre pénitentiaire de Valence (Drôme)

Observations du ministère de la santé – CP de Valence

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. Aucune observation n’a été produite par le ministère de la justice.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre pénitentiaire de Valence

 

SYNTHESE

Huit contrôleurs ont effectué une première visite du centre pénitentiaire de Valence (Drôme) du 3 au 12 juillet 2017.

Le centre pénitentiaire de Valence, mis en service en novembre 2015, juxtapose une maison d’arrêt et une maison centrale disposant chacune de deux quartiers. Il fait partie des vingt-six établissements sensibles destinés à accueillir des personnes présentant un danger par leur comportement violent, ainsi que des personnes dont les infractions sont liées au terrorisme. Deux mutineries ont eu lieu fin 2016 à la maison centrale, occasionnant d’importants dégâts et la fermeture du quartier incendié.

1 – Les locaux et leurs limites

Le principe de construction de cet établissement a été la généralisation des cellules individuelles de 8,5 m2. Toutefois, au sein des deux quartiers de la maison d’arrêt, d’une capacité de 328 lits, ont déjà été ajoutés 40 lits, et 24 étaient commandés de manière à faire cesser la pose de matelas au sol au nombre de 10. L’extension de la capacité de ces cellules individuelles conduit à un espace de vie par personne détenue inférieur aux normes de surfaces minimales établies par le comité pour la prévention de la torture (CPT)[1].

La maison centrale, divisée elle-même en deux quartiers, peut accueillir au total 128 personnes.

Si les locaux sont neufs (chaque cellule est équipée d’une douche), propres, ceux de la maison centrale ne sont pas adaptés à de longs séjours. En effet, sa configuration n’est pas agencée de manière à héberger les personnes détenues condamnées à de lourdes peines qui y sont adressées, principalement en mesure d’ordre et de sécurité (MOS). Les locaux et les cours sont exigus et la gestion sécuritaire, par les portes fermées, amplifie l’atmosphère de claustration ce qui, pour des personnes condamnées arrivant de maisons centrales dans lesquelles le régime est plus souple, notamment avec l’existence de salles de convivialité, est un retour en arrière difficilement acceptable. Les premières personnes qui y ont été détenues ont organisé des mutineries et incendié les locaux avec pour objectif d’obtenir leur transfert vers d’autres établissements, ce qui n’a été le cas que pour quelques « meneurs », le quartier adjacent alors en fin de construction ayant été mis en service.

2 – La complexité de gestion de cet établissement réside dans le concept même d’une structure regroupant deux entités aux modes de fonctionnement différents, induisant notamment une organisation stricte des déplacements de manière à ce que les deux populations pénales ne puissent se croiser. Cette configuration entraîne un dysfonctionnement systémique.

L’inadaptation de la coexistence de ces deux régimes au sein du même établissement trouve une illustration dans la juxtaposition du quartier disciplinaire de la maison d’arrêt et du quartier d’isolement, commun mais situé à la maison d’arrêt. Le paroxysme de l’inadéquation conduit donc à placer dans ce même espace des personnes prévenues ou condamnées de la maison d’arrêt aux côtés des personnes isolées de la maison centrale. Par ailleurs, les mouvements sont bloqués de façon quasi-permanente pour faire sortir ou réintégrer individuellement les personnes détenues afin qu’aucune ne se rencontre, paralysant régulièrement le fonctionnement normal de la structure.

En outre, cette organisation stricte des déplacements de manière à isoler les deux catégories de population se heurte au partage de certains équipements (gymnase, salle de spectacles, parloirs) et, en réalité, réduit leur utilisation.

Les mouvements et les blocages sont une des problématiques majeures de cet établissement. L’organisation des services, profondément perturbée par l’absentéisme majeur du personnel, accentue ces dysfonctionnements liés aux mouvements. Nombre de retards voire d’annulations de rendez-vous tant dans l’accès aux soins qu’en direction du service pénitentiaire d’insertion et de probation, de l’enseignement, des partenaires chargés de la réinsertion sont à déplorer quotidiennement. Dans ce contexte, il est également observé que les personnes vulnérables de la maison d’arrêt ne bénéficient pas d’une protection suffisante, des dispositions n’ayant pas été prises pour les regrouper et leur permettre de sortir de manière sécurisée, concourant ainsi à leur isolement.

Les droits des personnes détenues s’en trouvent donc affectés, tant par les rendez-vous manqués dans l’ensemble des services que par les activités annulées ou la scolarité interrompue.

3 – Un établissement supposé à « réinsertion active »

Ce centre pénitentiaire, qui fait partie des vingt-sept établissements étiquetés « établissement à réinsertion active (ERA) » – parfois ciblé par les personnes condamnées lors des demandes de transfèrement dans cet objectif – ne concrétise pas les promesses de cet affichage. La philosophie d’une réinsertion active peine à s’appliquer dans le cadre de la cohabitation d’un régime strict en portes fermées ainsi que de l’accueil de personnes détenues aux profils dangereux en maison centrale et par ailleurs, celui d’une maison d’arrêt. Les difficultés liées à la gestion des mouvements, le défaut de dynamique pour amener les personnes détenues vers les activités ainsi que le manque de structures de suite dans le cadre du parcours d’exécution des peines (absence de quartier de semi-liberté, faiblesse du npmbre de placements extérieurs) sont des freins supplémentaires à la réinsertion active affichée.

Des éléments positifs sont cependant à valoriser. L’unité sanitaire regroupe somaticiens, psychiatres et psychologues en bonne entente, les équipements sont nombreux et les liens avec l’administration pénitentiaire sont corrects. A la maison centrale, la procédure de fouille des cellules est respectueuse de la dignité et des biens des personnes détenues : des photos sont prises durant l’intervention par les surveillants qui par la suite opèrent le rangement de ce qui a été fouillé. Enfin, l’offre de travail est importante même si certains salaires sont apparus dérisoires.

Au jour de la visite des contrôleurs, les tensions générées par les mutineries restaient palpables et le risque de renouvellement, déjà endigué, redouté. Dans l’attente de l’ouverture, après travaux, du second quartier de la maison centrale dont le fonctionnement en portes fermées restera inchangé, l’encadrement de la détention et le management général de l’établissement doivent être reconsidérés dans le cadre d’un projet d’établissement enfin cohérent.

[1]Cellule pour une personne détenue : 6 m² (hors l’espace sanitaire) – cellule pour deux personnes détenues : 10 m²- cf. « Espace vital par détenu dans les établissements pénitentiaires : normes du CPT » du 16 décembre 2015 (CPT/Inf 2015 (44).