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Rapport de visite du centre pénitentiaire de Riom (Puy-de-Dôme)

Rapport de visite du centre pénitentiaire de Riom (Puy-de-Dôme)

Observations du ministère de la santé – CP de Riom

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la justice.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre pénitentiaire de Riom

 

Synthèse

Six contrôleurs  ont effectué une visite annoncée du centre pénitentiaire de Riom (Puy-de-Dôme), du 3 au 13 juillet 2017. Il s’agissait de la première visite du CGLPL depuis l’ouverture de cet établissement le 31 janvier 2016.

Un rapport de constat de cette visite a été adressé le 24 juillet 2018 aux responsables du centre pénitentiaire, du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, du centre hospitalier Sainte-Marie ainsi qu’au président et au procureur de la République près le tribunal de grande instance (TGI) de Clermont-Ferrand. Le directeur du centre pénitentiaire a, par courrier en date du 27 août 2018, fait savoir au CGLPL que le rapport de constat n’appelait de sa part aucune observation. Le président du TGI, en qualité de président du conseil départemental de l’accès au droit du Puy-de-Dôme, a transmis au CGLPL, le 26 juillet 2018, une note relative à l’amélioration du fonctionnement du point d’accès au droit. Le centre hospitalier Guy Thomas de Riom a fait parvenir ses réponses au rapport de constat le 26 octobre 2018 ; elles sont intégrées dans le présent rapport. Les autres autorités n’ont pas souhaité réagir à l’envoi du rapport.

La capacité du centre pénitentiaire est de 568 places, réparties sur cinq secteurs, soit :

  • 328 places aux quartiers maison d’arrêt des hommes (MAH), constitués de deux bâtiments (MAH1 et MAH2) de 164 places chacun ;
  • 164 places au quartier centre de détention des hommes (QCD) ;
  • 32 places au quartier maison d’arrêt des femmes (dénommé quartier femme enfant, QFE) dont deux cellules mère-enfant ;
  • 24 places au quartier d’accueil et d’évaluation (QAE) ;
  • 20 places au quartier de semi-liberté (QSL).

L’établissement n’accueille que des personnes détenues majeures ; le premier jour de la visite, 523 personnes y étaient hébergées.

Comme les centres pénitentiaires de Beauvais (Oise) et Valence (Drôme), la prison de Riom est un établissement à réinsertion active (ERA) et dit « à sécurité adaptée » (pas de mirador ni de filin anti-hélicoptère), donc destiné à accueillir une population pénale présentant un degré de dangerosité modéré. Au quartier centre de détention, plus de la majorité des personnes détenues sont des auteurs d’infractions à caractère sexuel.

Le dispositif ERA, tel que présenté dans le diagnostic orienté de la structure et le projet d’établissement, outre la prise en compte du personnel et la qualité des conditions de travail, a pour objectif la prévention du suicide, la réinsertion dans la société, la lutte contre la récidive et des violences en détention ainsi que l’amélioration des conditions de détention. Il s’appuie sur les droits fondamentaux des personnes détenues : obligation d’activités encadrées, maintien des liens familiaux, droit au travail et à la formation professionnelle, accès aux droits, préparation à la sortie par des aménagements de peine.

Le concept ERA prône un certain nombre de principes tels que l’adhésion de la personne détenue, l’offre de cinq heures d’activités encadrées par jour, l’encellulement individuel, l’instauration d’une vie sociale élargie dans les unités (possibilité notamment de prendre ses repas collectivement), la création d’une phase d’évaluation de 15 jours à l’issue de la phase d’accueil permettant une intégration vers un mode ouvert ou fermé, la mise en avant du parcours d’aménagement de peine (PEP) comme outil majeur de réinsertion et de prévention de la récidive, etc.

Dans le cadre de ce projet d’établissement, avant même l’ouverture, des régimes de détention différents ont été mis en place en fonction des quartiers d’hébergement. La MAH2 connaît le régime traditionnel de détention en maison d’arrêt et fonctionne « portes fermées ». Le QCD et la MAH1 sont organisés différemment, ils disposent d’un régime « autonome », « portes ouvertes », également appelé dans certains documents « régime de respect ». Le QFE bénéficie quant à lui d’un régime mixte.

Le projet d’établissement s’est par ailleurs inscrit dans le contexte particulier de la fermeture de trois établissements pénitentiaires anciens et vétustes (les maisons d’arrêt de Clermont-Ferrand et de Riom ainsi que le centre de détention de Riom) ne répondant plus aux exigences de la détention ni à la prise en compte de conditions de travail du personnel et que le centre pénitentiaire est venu remplacer.

Cet établissement, qui bénéficie d’une architecture adaptée, affiche un projet réellement ambitieux et a su mettre en place de nombreux outils afin de le concrétiser mais, au moment de la visite, de nombreux projets de service étaient encore insuffisamment déclinés. En effet, les problèmes de ressources humaines (vacances de postes, absentéisme) et la réticence de certains agents qui continuent de regretter leur vie et leurs pratiques de gestion de la détention dans leur ancien établissement fermé, ainsi que leur refus de s’investir dans le projet ERA constituent un frein indéniable à l’avancée des projets. Il est regrettable qu’un tel établissement ait dû ouvrir avec une vingtaine de postes vacants, auxquels il convient d’ajouter douze agents se trouvant dans une position administrative les rendant indisponibles pour le planning du service. Ces problèmes de ressources humaines ont naturellement un effet négatif sur la mise en place du projet ERA qui est affecté dans ses différentes phases et qui ne peut à l’heure actuelle remplir ses objectifs initiaux. Ce constat est particulièrement flagrant concernant la phase d’évaluation ; l’absence d’agents affectés à ce quartier empêche toute réelle évaluation, les affectations s’effectuant dès lors selon des critères minimalistes.

Plusieurs éléments positifs méritent toutefois d’être soulignés.

Le climat général de l’établissement et l’ambiance régnant en détention sont apparus relativement sereins.

La conception architecturale a été bien pensée, la structure est agréable, lumineuse, largement végétalisée et ne semble pas souffrir d’erreurs de conception majeures. Le centre pénitentiaire dispose, matériellement parlant, de tout ce qu’il faut pour réaliser le projet d’établissement. Par ailleurs, l’établissement est bien entretenu et propre, le fonctionnement de la gestion déléguée dans le cadre du partenariat public-privé est bien maîtrisé par l’administration et apparaît globalement plus satisfaisant que dans d’autres établissements le mettant en œuvre.

Les activités, au sens large, sont riches et variées. L’offre de travail est très étoffée, 200 personnes travaillent chaque jour. La formation professionnelle est particulièrement performante et remarquablement organisée, de nombreux services y sont associés (service général, ateliers, Eurest, éducation nationale). L’établissement dispose de nombreux équipements sportifs de qualité dont ne bénéficient malheureusement pas les personnes détenues au QFE et au QSL.

Les dispositifs de maintien des liens familiaux sont particulièrement intéressants.

D’autres points sont apparus plus préoccupants.

Le SPIP n’est pas suffisamment présent pendant la période d’évaluation. Ce service souffre également de difficultés en termes de ressources humaines et manque de dynamisme. Les contrôleurs ont, au cours de la mission, recueilli de nombreux témoignages d’insatisfaction de la population pénale relatifs à leurs conseillers. Par ailleurs, aucun PEP n’est mis en place au QFE. En termes de préparation à la sortie, le projet est également affecté par les problèmes de sous effectifs ; le quartier sortants n’a pas encore été mis en place. Les personnes détenues font elles-même leurs demandes d’aménagement de peine avec un soutien minimal des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation.

L’unité sanitaire dispose de moyens matériels tout à fait satisfaisants mais souffre d’un manque de praticiens. Les contrôleurs ont constaté une absence de coopération entre cette dernière et l’administration pénitentiaire ; l’unité sanitaire n’intervient pas dans les instances pluridisciplinaires, situation préjudiciable aux personnes détenues. Par ailleurs, un tiers des personnes convoquées ne se présente pas aux rendez-vous médicaux sans qu’une explication claire ait pu être apportée à ce phénomène au moment de la visite.

La gestion des poursuites disciplinaires fait perdre tout sens à la peine. Outre que le délai entre la commission des faits et le passage en commission de discipline est d’environ deux mois, le délai d’exécution des peines de quartier disciplinaire est extrêmement long (plus de deux mois au moment de la visite) en raison de la sur occupation de ce quartier. Malgré cette situation, la commission de discipline continuait de faire preuve d’une absence totale d’imagination dans les sanctions prononcées, les peines de quartier disciplinaire représentant près de 85 % des sanctions.

L’utilisation des moyens de contrainte lors des extractions médicales ne tient absolument pas compte de la dangerosité ou de la personnalité de la personne détenue ; le port des menottes (et éventuellement des entraves selon le niveau d’escorte) est systématique pendant le transport et au cours des examens médicaux. Le personnel pénitentiaire est systématique présent pendant les consultations médicales, y compris pendant les examens gynécologiques en violation de l’article 52 de la loi pénitentiaire.

Enfin, le maintien de l’encellulement individuel, pourtant un des piliers du concept ERA, est compromis en raison d’une augmentation significative de la population pénale au sein des deux quartiers maison d’arrêt dans les deux mois précédant la visite. Le chef d’établissement venait de procéder à la commande de trente lits supplémentaires afin de doubler certaines cellules.