Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Cinq contrôleurs du Contrôleur général des lieux de
privation de liberté (CGLPL) ont visité le centre hospitalier Maurice Despinoy
(CHMD), établissement public départemental de santé mentale de la Martinique,
du 2 au 6 octobre 2017. Cette mission constituait une
première visite.
Ce rapport a été adressé, en vue du recueil de leurs
éventuelles observations, à la directrice du centre hospitalier, au directeur
général de l’agence régionale de santé, au président du tribunal de grande
instance de Fort-de-France, au procureur de la République près ce tribunal et
au préfet de région de la Martinique. La directrice du centre hospitalier, le
président du tribunal et le procureur de la République ont fait parvenir leurs
observations, intégrées dans le rapport joint.
Le CHMD gère l’intersecteur de pédopsychiatrie et les trois
secteurs de psychiatrie adulte de la Martinique. En 2012, un nouveau site a été
ouvert à Mangot-Vulcin, avec 140 lits de court séjour, qui sont complétés par
99 lits de moyen séjour toujours installés sur l’ancien site de Balata. Des
difficultés financières obèrent à court terme le projet d’abandon du site de
Balata et la construction de nouveaux bâtiments à Mangot-Vulcin.
A l’occasion
de cette visite, les contrôleurs ont constaté les atteintes suivantes au
respect ou aux droits fondamentaux des patients :
- plus de 90 % des patients en soins
psychiatriques sur décision du directeur de l’établissement n’ont pas de tiers
désigné : près de 70 % ont été placés en urgence et plus de 20 %
pour péril imminent ; - toutes les unités de soins sont fermées alors
que près de la moitié des patients sont en soins libres ; - les règles de vie des unités, non harmonisées et
incomplètes, ne sont pas remises systématiquement au patient lors de son
admission ; - les unités du site de Balata sont fortement
dégradées : fuites d’eau, murs défoncés, portes de placard arrachées,
fenêtres brisées remplacées par des planches ; - sur le site de Mangot-Vulcin, chaque chambre
dispose d’une sonnette d’appel mais toutes les sonnettes ont été désactivées,
le personnel considérant que c’était ingérable ; la ventilation mécanique
ne fonctionne plus dans certaines unités depuis plusieurs mois, voire des
années ; les placards individuels ne disposent pas de système de
verrouillage ; - les équipes soignantes méconnaissent les règles
relatives à la notification des mesures de soins sans consentement, au
traitement des plaintes et réclamations, à l’audience du juge des libertés et
de la détention ; toutes les fonctions afférentes à ces obligations sont
dès lors mal exercées ou mal préparées ; - les instances de contrôle qui permettraient de
pallier cette faiblesse ne fonctionnent pas : la commission des usagers
est inactive, le conseil local de santé mentale n’existe pas et la commission
départementale des soins psychiatriques n’a été mise en place qu’après la
visite du CGLPL ; - la question de la sexualité n’est pas traitée
d’une façon permettant d’assurer dans toutes les unités la protection des
patients vulnérables et notamment d’éviter des phénomènes de
prostitution ; - les chambres d’isolement du site de Balata sont
hors normes et indignes ; sur les deux sites, le registre spécifique
destiné à tracer les pratiques d’isolement et de contention, imposé par le code
de la santé public, n’existe pas ; - les soins psychiatriques, attentifs et
bienveillants, sont rarement formalisés par des projets de service qui
permettraient de structurer les prises en charge et de donner des directives
claires aux soignants ; la délivrance des médicaments n’est pas confidentielle
et sa traçabilité n’est pas sécurisée ; la permanence des soins somatiques
sur le site de Balata est incomplète.
Il convient de signaler que les patients détenus bénéficient
des mêmes droits que les autres patients de l’unité dans laquelle ils sont placés,
ce qui, bien que normal, est rarement constaté lors des visites du CGLPL dans
les services de psychiatrie.