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Rapport de la troisième visite de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville (Yvelines)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la justice auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Synthèse

Cinq contrôleurs, accompagnés d’une stagiaire, ont effectué un contrôle de l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Porcheville (Yvelines), du 2 au 6 octobre 2017. L’établissement avait été précédemment contrôlé en février 2010 et en octobre 2014.

Un rapport de constat a été adressé le 11 janvier 2018 à la cheffe d’établissement, au président du tribunal de grande instance de Versailles, au procureur de la République près la même juridiction, au directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) des Yvelines et au directeur du centre hospitalier François Quesnay à Mantes-la-Jolie, leur donnant six semaines pour faire connaître leurs observations. A la date du 30 mars 2018, aucune réponse n’était parvenue au CGLPL.

Disposant d’une capacité de soixante places, l’EPM connaît, depuis plusieurs années, un taux d’occupation maximal dû à un allongement de la durée moyenne de séjour, qui est passée de deux mois et dix jours en 2013 à trois mois et huit jours en 2016. Le contrôle a toutefois été réalisé dans une situation quelque peu différente, avec un effectif de cinquante et un mineurs incarcérés.

Le concept de l’EPM répondait à la volonté du législateur d’installer un service éducatif de la PJJ dans une enceinte pénitentiaire. Il repose sur les principes de fonctionnement suivants : chaque mineur fait l’objet d’un programme individualisé, incluant la scolarisation obligatoire jusqu’à 18 ans, des activités dans et en dehors de son unité de vie et la prise de repas en commun ; la prise en charge au sein de l’unité de vie est assurée, dans la journée, par un « binôme » constitué d’un éducateur et d’un surveillant ; conséquemment, la journée est rythmée par des temps collectifs, le jeune ne se retrouvant dans sa cellule que pour la nuit.

Une telle ambition justifie la mobilisation des moyens existants : 150 adultes participent plus ou moins directement à la prise en charge des soixante mineurs, avec le concours de nombreux intervenants extérieurs ; chacune des six unités de vie, d’une capacité de dix places d’hébergement, dispose de ses propres espaces communs (salles d’activités, salles à manger, cours de promenade) ; l’établissement est enfin doté de nombreuses infrastructures scolaires, éducatives, sportives et médicales spacieuses et bien pensées.

Or, selon le constat fait par les contrôleurs, le résultat n’est pas à la hauteur de cette ambition et de ces moyens. Hormis le programme scolaire qui est respecté pour chacun, les jeunes passent une bonne partie du reste de la journée dans leur cellule, plus précisément à la fenêtre à s’interpeller de cellule à cellule et à invectiver les personnes circulant sous leurs yeux. Les repas collectifs n’ont plus lieu, dans le meilleur des cas, qu’en semaine, le midi ou le soir. Les activités sont ponctuelles et ne concernent que peu de jeunes à la fois. La promenade n’est pas souvent proposée car il est considéré qu’une activité vaut promenade.

Cette situation résulte principalement de la rareté, au sein des unités, du temps de présence commune des deux membres du binôme : les surveillants sont accaparés par l’accompagnement des jeunes et les éducateurs se trouvent principalement dans la zone administrative, mobilisés en réunion ou à des tâches de rédaction. Or, toute présence d’un jeune en dehors de la cellule nécessite l’encadrement des deux adultes : si le surveillant doit s’absenter de l’unité, l’entretien avec un éducateur ou la promenade est interrompu ; de même, une  activité ou un repas en commun étant conditionnés par la présence d’un éducateur, les annulations sont quotidiennes. En outre, les organisations de service ne sont pas coordonnées entre celle des éducateurs, qui sont plutôt fidélisés dans les unités, et celle des surveillants, qui ne le sont pas. De fait, dans ce contexte, l’essentiel de la journée d’un mineur se passe en cellule.

C’est pourquoi, l’élaboration d’un projet d’établissement a été la première et principale recommandation qui a été faite, à la fin de la visite, auprès des représentants des quatre administrations qui participent à la prise en charge des mineurs et dont la qualité du partenariat conditionne le bon fonctionnement d’un EPM. Deux points clefs devront y figurer : la présence en unité des deux éléments du binôme dans la journée et l’élaboration d’un emploi du temps individualisé pour chaque jeune intégrant le scolaire, les activités (en et hors unité) et une heure de promenade à l’air libre par jour.

Les bonnes relations constatées, à tous les niveaux, entre les quatre partenaires faciliteront cette œuvre commune. Le rapport de visite égrène, par ailleurs, un certain nombre de bonnes pratiques et de recommandations.

Les cinq points positifs suivants ont été notamment relevés.

La procédure d’accueil et d’affectation à l’arrivée témoigne du savoir-faire des professionnels, de leur capacité à travailler ensemble et à
se faire confiance.

L’organisation scolaire est efficiente et les cours ne sont  jamais remis en cause par des considérations relatives à la gestion de la détention, y compris pour un jeune placé en cellule disciplinaire.

La prise en charge sanitaire est de très bonne qualité, en interne et en externe, puisqu’il n’existe aucune difficulté pour extraire un
jeune en consultation dans un hôpital.

Les familles sont prises en compte, par tous les acteurs, dès l’incarcération et tout au long de la prise en charge.

Les incidents émaillant la vie de la détention sont gérés de manière attentive et rapide, avec un équilibre dans les réponses entre les
sanctions disciplinaires et les mesures de bon ordre (MBO). La direction pénitentiaire a toutefois été incitée à rester vigilante aux réactions des surveillants face aux provocations incessantes des jeunes et au recours à la force.

A contrario, trois points négatifs doivent être signalés.

Le premier concerne l’état déplorable des cellules et des coins sanitaires, notamment dans des cellules de l’unité 6 qui ressemblent plus
à des geôles de garde à vue qu’à des hébergements pour mineurs, mais aussi les locaux de fouille et certaines cours de promenade. Les conditions et le programme de réfection des cellules doivent être revus.

Le deuxième a trait aux difficultés rencontrées par la PJJ dans la prise en charge éducative. Plusieurs causes ont été repérées : le
manque de personnel (36 agents en principe mais 31,4 ETP réellement), une proportion importante d’agents contractuels et peu expérimentés, une défiance entre les éducateurs et la hiérarchie.

Le troisième répond à une plainte émise par l’ensemble des jeunes rencontrés, celle de ne pas manger à leur faim. Faute d’autres produits
proposés à l’achat en cantine, les biscuits et les friandises constituent, avec des produits salés à grignoter, les principaux compléments alimentaires possibles. Ce type de consommation n’est pas sans conséquence sur l’état de santé d’adolescents qui connaissent des brutales et importantes prises de poids durant leur séjour à l’EPM.