Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe (Orne)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe (Orne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

 

Synthèse

‪Du 8 au 12 janvier 2018, une équipe de six contrôleurs, sous la direction d’Adeline Hazan Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a visité le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe (Orne). Cette visite était la seconde dans cet établissement après celle effectuée du 18 au 22 novembre 2013.

Mis en service en janvier 2013, le centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe, implanté dans une zone rurale, située à 8 km du centre-ville, est l’un des établissements érigés dans le cadre du programme de construction de 13 200 nouvelles places de détention de la loi d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) de septembre 2002.

Il se compose d’un quartier pour peines aménagées de vingt-cinq places, d’un quartier de semi-liberté de vingt places et de trois quartiers maison centrale pour un total de 204 cellules. Sa vocation affirmée est de constituer un établissement sécuritaire, destiné à accueillir les profils délinquants ou terroristes les plus délicats. Les chiffres relevés lors de cette visite sont significatifs à cet égard : sur cent dix-sept personnes détenues, vingt-cinq relèvent du statut de « détenu particulièrement surveillé », une vingtaine de personnes font l’objet de mesures spéciales pour suspicion de radicalisation, 80% de la population pénale est arrivé suite à une mesure d’ordre et de sécurité la plupart du temps après des périodes d’isolement dans l’établissement précédent ; vingt-sept personnes sont libérables entre 2030 et 2050, onze purgent des condamnations de réclusion criminelle à perpétuité.

Les locaux récents, aux normes et bien entretenus, n’appellent guère de commentaires autres qu’un caractère sécuritaire trop renforcé.

La visite de 2013, effectuée quelques mois à peine après l’ouverture de l’établissement, avait mis principalement en évidence des graves problèmes dans la gestion des ressources humaines. Le personnel de surveillance de l’époque, constitué pour une large majorité de surveillants stagiaires, se trouvait confronté à l’une des plus délicates populations pénales du territoire métropolitain. La presse s’était largement fait l’écho des difficultés du centre pénitentiaire à travers la survenue récurrente d’incidents pour certains très graves.

En 2018, la situation à cet égard a évolué dans un sens favorable. De nombreux travaux ont été menés tant sur l’organisation du service des agents et leur formation que sur la construction d’un projet d’établissement basé sur « l’éducation », qui a totalement réorganisé la prise en charge des personnes détenues. L’établissement est apparu beaucoup plus apaisé, les incidents y sont moins fréquents, malgré la survenance ponctuelle de graves agressions.

Il semble que dans une gestion très sécuritaire un équilibre fragile ait été trouvé, que cependant plusieurs décisions récentes peuvent remettre en cause. La mise en place d’un « quartier pour détenus violents » (QDV) et d’un quartier « d’évaluation de la radicalisation » (QER) constitue pour la population pénale mais aussi pour le personnel une source d’interrogations et donc d’inquiétudes. Ni le contenu des deux projets, ni le calendrier, ni les mesures transitoires n’étaient connus lors de la visite, alors même que les premiers arrivants étaient annoncés pour mars 2018. Les premières mesures, comme l’initiative de vider un des quartiers « maison-centrale » ont d’ores et déjà produit des effets très négatifs.

Au-delà de ce contexte particulier qui impose des solutions rapides, d’autres éléments plus ponctuels ont retenu l’attention des contrôleurs.

Le service pénitentiaire d’insertion et probation, lui aussi confronté à l’absence de contenu du futur quartier d’évaluation de la radicalisation, est apparu en grande difficulté avec des conseillers peu formés et confinés à des tâches administratives.

D’autres difficultés, pour la réussite des projets de réinsertion ont été identifiées : l’absence de formation professionnelle qualifiante en 2017, la trop faible offre d’activités salariées et la mauvaise desserte de l’établissement qui retire une bonne part de son utilité au quartier de semi-liberté.

Au niveau médical, si les locaux sont exceptionnellement fonctionnels, certaines pratiques peu soucieuses du secret médical ont été relevées, comme la présence trop systématique du personnel de surveillance pendant les examens. Mais c’est la présence d’un fauteuil de contention au sein de l’unité sanitaire et la pratique d’injections forcées qui ont font l’objet des recommandations les plus vives. ‪