Synthèse
Trois contrôleurs ont effectué une visite inopinée du centre
éducatif fermé (CEF) de Sainte-Menehould du 13 au 15 juin 2017. Cet
établissement avait été précédemment contrôlé en octobre 2011.
La structure, qui relève du secteur privé habilité par la
PJJ, est gérée par l’association ASAES, dite La Sauvegarde, sise à Reims.
Un rapport de constat a été adressé le 24 juillet 2018 au
président de l’ASAES, au directeur du CEF, à la direction territoriale de la
protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de la Marne et des Ardennes, au
président et au procureur de la République du tribunal de grande instance de
Châlons-en-Champagne. Le président de l’ASAES a fait part de ses observations
dans un courrier en date du 10 août 2018 et la directrice territoriale de la PJJ
dans un courrier en date du 31 août 2018. Leurs observations ont été intégrées
dans le rapport de visite.
Le CEF a failli fermer en 2013, suite à des faits de
violence de membres du personnel sur des jeunes pris en charge. La gouvernance
de La Sauvegarde a changé à la même
époque, un nouveau directeur du CEF a pris ses fonctions fin 2013 et un nouveau
directeur général en janvier 2014. Des salariés ont été licenciés et condamnés,
des travaux de réfection des locaux ont été réalisés et le fonctionnement a été
structuré autour d’un nouveau projet d’établissement. Le nombre des incidents,
dont les fugues, a diminué.
Le CEF est mixte ;
il offre douze places, dont une fléchée pour l’accueil d’une jeune fille
« radicalisée ». Douze mineurs étaient placés (sept filles et onze
garçons), mais onze seulement étaient présents en raison de la fugue de l’un
d’eux. La mixité est assumée sans difficulté.
Sauf exception, le personnel réside à plusieurs dizaines de
kilomètres de Sainte-Menehould. Son recrutement est difficile et il est peu
formé aux missions éducatives.
Certaines des préconisations du CGLPL en 2011 ont été suivies
d’effet : dénomination unique du CEF et signalétique routière ;
réunion des locaux du CEF dans un seul bâtiment ; rénovation des locaux,
qui ont ensuite été préservés de nouvelles détériorations ; taux
d’occupation soutenu sans maintien artificiel de placements ;
diversification des activités proposées aux jeunes.
L’attention des contrôleurs se porte en 2017 sur de nouveaux
points, parmi lesquels :
- le fonctionnement quotidien de la structure, en
contradiction avec le projet d’établissement et le règlement de fonctionnement ; - un système de prise en charge fondé
essentiellement sur des sanctions arbitraires et inadaptées, seules bases
éducatives, unique objet de dialogue entre l’éducateur et le jeune. Les
contrôleurs ont identifié de nombreux comportements motifs à sanctions et de
nombreux objets de sanctions, mises en œuvre sans règles de compétence et de
durée, sans respect de l’obligation d’informer le jeune et sa famille,
privatives de droits fondamentaux, revêtant parfois un caractère
collectif ; - des atteintes au droit à l’intimité des mineurs,
en raison notamment de l’amplitude horaire du temps collectif soumis à la
surveillance des éducateurs de 8h à 21h30 sans discontinuer, mais aussi
s’agissant du contrôle du courrier postal et des communications téléphoniques. - des atteintes au droit à la confidentialité et à
la sécurité lors de la distribution des médicaments en l’absence de
l’infirmière ; - l’insuffisance du travail avec les
familles ; - l’institutionnalisation de la pratique de l’immobilisation
et de la contention, justifiée par la volonté de protéger les personnes mais
aussi de les éduquer.
Par ailleurs, sont soulignés la bonne insertion du CEF dans
la commune de Sainte-Menehould avec des conséquences positives en termes
d’activités sportives et de stages professionnels, l’organisation régulière de
camps, l’attrait de la prise en charge scolaire, la bonne tenue des locaux.
Ces constats ont été communiqués aux instances de pilotage
et d’encadrement du centre à l’issue de la visite. Ils ont aussi fait l’objet,
dès le 3 juillet 2017, d’un courrier adressé à la ministre de la justice afin
de recommander l’envoi d’une mission d’inspection en application de l’article 9
de la loi du 30 octobre 2007.
Dans sa réponse au rapport de constat, le président de La sauvegarde de la Marne se réfère à
une mission d’inspection de l’inspection générale de la justice pour formuler
ses observations, outre aux éléments rapportés par le CGLPL dès la fin de la
visite. Il rend compte de décisions prises concernant la direction du CEF mais
aussi concernant le renforcement de la formation du personnel éducatif dès
décembre 2017. Le système de sanction des jeunes a été réformé afin d’être plus
conforme au droit et plus éducatif, et continue à évoluer en vue de sa
meilleure appropriation par le personnel ; les objets dont les jeunes
avaient été privés ont été restitués. Des modifications immobilières (accès et
intimité dans les WC, point d’eau
accessible en journée, etc.) et mobilières (réveil matin, ventilateur, etc.)
sont rapportées. Les familles sont à nouveau intégrées à la prise en charge en
rappelant que le retour en famille ne peut pas faire l’objet de sanction – de
même que le stage – et en instaurant un registre des contacts avec elles. Le
dispositif de distribution des médicaments en l’absence de l’infirmière a été,
selon ce que le président indique, corrigé. Une formation à la gestion des
risques est destinée à mettre fin à la pratique de l’immobilisation et de la
contention constatée par les contrôleurs. Il a également instauré une
commission de quatre administrateurs chargée du suivi de la mise en œuvre des
recommandations du CGLPL.
En tout état de cause, l’attention de La sauvegarde s’est à nouveau portée sur le fonctionnement du CEF
depuis la visite du CGLPL. Ce fonctionnement portait atteinte aux droits
fondamentaux des personnes mineures placées.