Rapport de la deuxième visite du centre éducatif fermé de Moissannes (Haute-Vienne)
Observations du ministère de la justice – CEF de Moissannes (2e visite)
Synthèse
Deux contrôleures se sont présentées au CEF de Moissannes, de manière inopinée, et ont effectué une visite du 5 au 9 novembre 2018. L’établissement avait été visité une première fois en 2012.
Dédié à l’accueil de jeunes garçons de 13 à 16 ans, ce CEF existe depuis 2004. Sa gestion a été confiée en 2016 à l’institut Don Bosco, après une période de fermeture administrative. Il a hébergé ses premiers mineurs en décembre 2016, avec une équipe de direction (directeur et directeur adjoint) entièrement renouvelée. Son activité est depuis soutenue, supérieure à 80 %.
Le CEF est implanté en zone rurale, d’autant plus difficilement accessible qu’il n’est pas signalisé, dans un bâtiment ancien bien entretenu nommé par les habitants « le château ». Les chambres, toutes dotées de sanitaires individuels, ainsi que les espaces collectifs sont bien équipés et agréables, les adolescents disposent de vastes espaces extérieurs, dont une ferme.
L’isolement géographique de l’établissement ne favorise pas le recrutement de professionnels qualifiés et la majorité d’entre eux ne disposait pas de diplôme et de peu ou pas d’expérience dans le domaine éducatif. Un chef de service venait d’être recruté le 15 octobre, ses deux prédécesseurs avaient quitté l’établissement assez rapidement. L’association Don Bosco déploie, pour consolider les compétences et fidéliser le personnel, une politique de formation qualifiante soutenue.
Les documents pédagogiques collectifs, réalisés en 2016, sont pensés en termes de droits des mineurs. Ces derniers, ainsi que leurs parents, reçoivent un livret d’accueil et le règlement de fonctionnement, de sorte à être parfaitement informés de l’organisation de l’établissement et du séjour. Cependant, un certain nombre de points étaient déjà obsolètes et l’ensemble de ces documents méritaient d’être mis à jour des évolutions des pratiques intervenues au fil du temps.
Les documents individuels de prise en charge comme l’ensemble des écrits professionnels sont très insuffisants dans leur contenu et leur périodicité. Ceci est d’autant plus dommage que les contrôleurs ont constaté une prise en charge soutenue, au travers d’activités variées et adaptées, collectives et individuelles, affichées dans des emplois du temps personnalisés. Les adolescents, passé le premier mois et selon leur souhait et capacités d’intégration, sont inscrits dans des activités extérieures : collège, clubs sportifs, stages. Les éducateurs sont invités à faire sortir autant que possible les mineurs de l’établissement le week-end.
L’enseignement dispensé en interne mérite d’être renforcé, l’unique professeur ne parvenant à dispenser, au mieux, que cinq heures de cours hebdomadaires par mineur.
Le sport est pratiqué sur site et à l’extérieur, dans le cadre de créneaux dédiés dans les structures municipales.
Des stages de découverte professionnelle sont organisés auprès du personnel technique et d’artisans et commerçants locaux.
Au quotidien, les mineurs passent beaucoup de temps à la ferme et dans l’atelier créatif animé par une éducatrice technique. Ceux présents lors de la visite ont dit apprécier l’ensemble de ces activités et parvenaient sans difficulté majeure à s’inscrire dans un rythme de vie régulier. D’une manière générale ils parlaient d’ailleurs positivement de leur séjour au CEF.
Les familles sont tenues informées des activités et du comportement de leur enfant, elles sont invitées à lui rendre visite au bout d’un mois, parfois accompagnées par l’éducateur du milieu ouvert. Les difficultés de transport rendent complexes les retours des mineurs chez eux comme les visites des familles.
L’accompagnement éducatif en dehors des activités est apparu moins étayé, ceci en raison du niveau de formation insuffisant du personnel. Les moniteurs-éducateurs, souvent faisant fonction, peinent à trouver un positionnement adapté, particulièrement lorsqu’il s’agit de gérer les indisciplines et transgressions. Les privations de tabac sont fréquemment utilisées et un barème d’avantage et sanction récemment mis en œuvre comportait des restrictions de contact avec les proches (téléphone et sorties). Si en pratique les contrôleures ont constaté que de telles mesures, proposées par l’équipe éducative, n’étaient pas toujours validées par la direction, il n’en demeure pas moins que le maintien des liens familiaux ne peut constituer une récompense ou une sanction et ne doit être défini que dans l’intérêt du mineur, dans une perspective à moyen et long terme. Le directeur de l’institut Don Bosco, dans ses observations en lecture du rapport provisoire, a indiqué que ces remarques avaient été prises en compte.
Plus globalement, les propos et les attitudes professionnelles, telles qu’elles ressortent de l’observation au quotidien et de la lecture de fiches d’incidents, révèlent un exercice malaisé de l‘autorité, des réactions des professionnels en miroir du mode provocateur adopté par les mineurs pouvant conduire à une escalade des tensions.
Au-delà de la difficulté à observer, encadrer et analyser les comportements, certains agents éprouvent des difficultés à rédiger, d’où les insuffisances constatées dans les dossiers individuels. Les deux professionnelles de santé, psychologue et infirmière, paraissent jouer un rôle essentiel dans l’écoute, l’accompagnement et l’analyse, indispensables à l’élaboration d’un projet durant le séjour et au-delà.
Le directeur de l’institut Don Bosco écrit, dans ses observations du 27 février 2019 : « L’équipe de direction veille au quotidien à guider les professionnels dans leurs pratiques pour assurer un climat bientraitant d’accompagnement ». Ceci est conforme aux constats des contrôleures, néanmoins la fragilité de l’équipe et la complexité de la tâche exigent une présence très soutenue de l’encadrement, effective depuis le 15 octobre avec le recrutement d’un nouveau chef de service. Sans avoir pu apprécier pleinement les améliorations apportées dans le cadre d’une visite qui s’est déroulée début novembre, les contrôleures ont néanmoins constaté sa grande disponibilité auprès de l’ensemble du personnel et des mineurs ainsi que la rigueur et la pédagogie de ses propos lors de l’animation d’une réunion de service.