Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Béthune (Pas-de-Calais)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Synthèse
Six contrôleures, accompagnées d’une stagiaire, ont effectué une visite de la maison d’arrêt de Béthune (Pas-de-Calais) du 10 au 14 septembre 2018. Cette mission, qui avait été annoncée la semaine précédente, constituait une deuxième visite, faisant suite à un premier contrôle réalisé en octobre 2009. Cependant, le rapport de constat relatif à cette première visite n’était jamais parvenu à l’établissement.
Un rapport provisoire en date du 24 janvier 2019 a été adressé au directeur de la maison d’arrêt, au directeur du centre hospitalier de Béthune, au directeur de l’établissement de santé mentale Val-de-Lys-Artois, au procureur de la République et au président du tribunal de grande instance de Béthune. Aucune observation n’est parvenue au Contrôle général des lieux de privation de liberté.
La maison d’arrêt, dont la mise en service date de 1895, est constituée de trois bâtiments (A, B et C) en forme de T, dont l’espace intérieur est aménagé en trois ailes. La configuration des locaux de la maison d’arrêt a peu évolué depuis la première visite (aucun ascenseur et aucune cellule n’est accessible pour recevoir une personne à mobilité réduite). Les bâtiments d’hébergement sont vétustes malgré les quelques améliorations réalisées en 2017. Les principaux aménagements réalisés depuis la première visite sont la création d’un portail pour les piétons, le changement des réseaux de chauffage, la rénovation de cellules des bâtiments A et B et la pose de fenêtres en PVC d’une partie des cellules du bâtiment A.
L’établissement héberge des hommes adultes sur trois niveaux (rez-de-chaussée, premier et deuxième étage). Il comporte en outre le quartier des arrivants (treize cellules doubles), le quartier disciplinaire (six cellules), le quartier de semi-liberté (dix cellules doubles), le quartier des libérables (huit cellules de trois lits). La capacité théorique de la maison d’arrêt est de 180 places dont 10 pour les semi-libres. Le 10 septembre 2018, 322 personnes détenues y étaient hébergées (228 condamnés et 94 prévenus), sans matelas au sol. Le taux d’occupation était de 180 %.
En ce qui concerne les quartiers spécifiques, le positionnement du quartier de semi-liberté, situé en pleine détention, au même niveau que les libérables, pose question, le régime de « porte fermée » auxquels restent soumis les semi-libres ne favorisant pas la réinsertion. L’application de la procédure de l’article 57 a retenu toute l’attention des contrôleures car des fouilles intégrales systématiques étaient programmées pour les personnes en semi-liberté lors de leur visite.
Elles ont également relevé le caractère excessif et disproportionné de l’usage des moyens de contrainte lors des extractions médicales : le menottage est systématique, quel que soit le niveau d’escorte.
L’absence de disposition spécifique pour les personnes vulnérables, mélangées avec le reste de la population pénale, est à déplorer, notamment lors de la promenade, des activités, de la douche et de l’accès au téléphone.
Le sous-dimensionnement des locaux conjugué à leur vétusté ainsi qu’à leur utilisation intensive aggrave les conditions d’hébergement et le quotidien des personnes détenues dans un contexte de surpopulation endémique. Les conditions d’hébergement (à deux ou trois personnes détenues dans une cellule de 9 m²) ne respectent pas les droits fondamentaux par rapport à la surface requise. Les WC à l’entrée de la cellule sont dépourvus de cloisonnement pour préserver l’intimité. L’équipement est lacunaire : pas de dispositif d’appel, mobilier insuffisant, pas d’eau chaude ni de douches hormis dans les cellules du QSL et du QA. La plupart des cellules, dégradées par l’humidité, sont en mauvais état. Selon les informations recueillies, parmi les projets, sont envisagés sous réserve d’un financement, la rénovation des cellules (installation de WC séparés par des cloisons, réfection des peintures, changement des fenêtres) et la distribution de l’eau chaude en cellule.
Lors de la visite, les conditions d’hygiène étaient déplorables, la présence de nuisibles (punaises, puces, etc.) conduisant l’établissement à neutraliser neuf cellules en détention. Les douches n’étaient pas entretenues ni protégées par un dispositif de séparation.
La maison d’arrêt ne propose aucune offre de travail en concession depuis mai 2018. Une réflexion est nécessaire pour engager des démarches en matière de prospection.
La mise en place d’un pilotage avec des procédures formalisées s’impose. Compte tenu d’un déficit de personnel de direction et d’encadrement (départ de l’adjoint au chef d’établissement en poste depuis 11 ans, non remplacement du poste d’adjoint au chef de détention depuis 2017 et de deux postes de premiers surveillants), les responsabilités sont diluées au sein de l’établissement. La maintenance souffre également du manque d’encadrement.
En ce qui concerne les moyens de communication, l’organisation de la collecte du courrier s’effectuant par les surveillants de roulement au lieu du vaguemestre, notamment pour l’unité sanitaire, ne garantit pas la confidentialité ni l’anonymat. Cette collecte s’effectue à l’ouverture des portes au détriment du courrier des boîtes aux lettres dont le relevé n’est pas systématiquement réalisé. Il n’existe en outre aucune procédure de traitement des requêtes en l’absence de traçabilité et d’enregistrement notamment par le personnel et le SPIP. La seule exception concerne l’accomplissement de formalités par le greffe.
Les contrôleurs ont constaté le rôle actif des visiteurs de prison auprès des personnes détenues tout au long de leur séjour. Il n’en demeure pas moins que leur participation à l’ensemble des commissions pluridisciplinaires uniques (sortants, suivi, classement, prévention du suicide, etc.) s’effectue au mépris de la confidentialité entre les intervenants, une pratique anormale à faire cesser sans délai dans l’intérêt des personnes détenues.
Les points positifs qui sont ressortis de la visite des contrôleurs concernent la qualité de la gestion et du fonctionnement du greffe par son responsable, la gestion de la détention par des agents expérimentés et professionnels, la présence d’une équipe dédiée aux parloirs, un point d’accès au droit réactif et la présence d’une coordinatrice des activités sensibilisée à la mise en place d’activités socioculturelles en collaboration étroite avec le SPIP.