Site du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté

Rapport de visite du centre de rétention administrative de Pamandzi (Mayotte)

Rapport de visite du centre de rétention administrative de Pamandzi (Mayotte)

Observations du ministère de l’intérieur – CRA et ZA de Pamandzi, LRA provisoires de Petite-terre

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre de rétention administrative de Pamandzi (Mayotte)

 

SYNTHESE

Les flux migratoires en direction de Mayotte, pour l’essentiel en provenance des Comores, sont d’une intensité exceptionnelle. L’éloignement – systématique – des personnes en situation irrégulière se déroulait jusque récemment dans des conditions matérielles particulièrement indignes. La visite opérée en juin 2016 a permis de constater qu’il y avait été heureusement remédié ; seules restent préoccupantes, les conditions administratives et juridiques de ces reconduites.

Le centre de rétention de Pamandzi est installé dans des locaux dont l’édification été achevée en 2015, l’utilisation des nouveaux bâtiments a débuté le 19 septembre.

Ces locaux sont en bon état, conçus et adaptés à leur fonction, tant en ce qui concerne l’importance des flux que les spécificités locales, liées notamment au climat, sans toutefois que les normes métropolitaines en termes de confort aient été méconnues ou sacrifiées. Cet effort manifesté dans la qualité des locaux mérite d’être relevé, ainsi que la réactivité pour détecter et demander la réalisation des améliorations mineures souhaitables : création d’une bagagerie « humide » ou signalétique adaptée des locaux d’hygiène. Les conditions d’hébergement sont donc satisfaisantes.

Les flux traités par le CRA sont considérables sous trois aspects :

Ils sont d’une importance exceptionnelle même s’ils connaissent une légère décrue en 2016 : 16 466 personnes ont été placées au CRA en 2015 et 6 692 au cours des cinq premiers mois de 2016, l’extrapolation à l’année pleine laissait envisager, lors de la visite, un nombre total de 16 060 personnes retenues. Le CRA de Mayotte a donc de loin la plus forte activité de l’ensemble des CRA français puisqu’elle représente plus du tiers du total de leurs activités.

Les personnes retenues sont essentiellement des Comoriens (98,29 %) et, de manière résiduelle, des Malgaches 96 (1,41 %). La proportion des enfants est considérable : 4 706 mineurs ont été placés au CRA en 2015 soit 27,26 % des personnes.

Le nombre des personnes effectivement éloignées est lui aussi exceptionnel comparativement à la situation de la métropole : le taux d’éloignement atteint 97 % ; la facilité administrative avec laquelle ces éloignements sont opérés, tenant notamment à la docilité des intéressés, conduit à une durée moyenne de séjour de 0,71 jour, elle-même encore remarquable. En pratique, un grand nombre de personnes reconduites n’entre même pas dans les locaux du centre.

Ces flux exceptionnels sont gérés par une organisation et un personnel particulièrement performants mais dont l’efficacité recèle quelques points de préoccupation.

En premier lieu, l’importance des éloignements effectués nourrit, paradoxalement, chez les policiers, le sentiment d’inutilité, d’absurdité de leur mission, le développement d’un discours voire de comportements inappropriés.  Si les responsables du centre montrent une grande attention à la qualité de la prise en charge et au respect des droits des personnes retenues et éloignées, il reste des efforts à faire pour que leur état d’esprit diffuse jusqu’aux niveaux plus bas de la hiérarchie.

La rapidité du processus a un impact sur la compréhension des droits des personnes reconduites, les policiers sont obnubilés par l’organisation du retour, son effectivité plutôt que par le respect des droits des personnes qu’ils prennent en charge lesquelles, au demeurant ne cherchent pas à s’opposer. Au surplus, nombre d’agents perçoivent les Comoriens comme des personnes qui abusent d’un système et excipent de l’intensité du flux et de la présomption que « ce sont toujours les mêmes qui reviennent, ils se font payer le voyage par la France » pour justifier la faiblesse de leur attention. S’ajoute à ces appréciations le sentiment, pas toujours justifié, d’une insécurité sur l’île imputée à la présence des Comoriens. Cet état d’esprit est d’autant moins compréhensible que, contrairement à ce qu’on peut constater dans les CRA métropolitains, ces fonctionnaires sont volontaires pour venir à Mayotte dont ils connaissent le contexte.

En deuxième lieu, le cadre du tri sanitaire est dégradé et dégradant, semblant plus témoigner d’un souci d’éviter tout incident que d’assurer une réelle prise en charge sanitaire.

En troisième lieu, la brièveté recherchée de la durée de rétention a indéniablement l’intérêt d’épargner aux migrants un séjour toujours pénible quelles qu’en soient les conditions. Cependant, cette rapidité ne laisse pas aux associations le temps d’apporter l’assistance attendues d’elles par les demandeurs qui sont repartis avant même d’obtenir les réponses attendues. Plus gravement, elle ne laisse pas le temps de vérifier sérieusement la réalité du lien entre les mineurs éloignés et les adultes auxquels ils sont rattachés. S’il n’est pas contesté que les services préfectoraux tiennent compte des signalements de mineurs dont réalité de ce lien est douteuse ou commerciale, les saisines de cette association sont très limitées compte tenu de la rapidité des éloignements et de l’absence même d’entrée effective des personnes retenues dans les locaux du CRA qui empêche toute possibilité de prise de contact par les personnes éloignées avec l’association.

Il est plus que probable que le processus mis en œuvre permet l’éloignement de mineurs, non seulement isolés, mais également vers un pays dont il n’aura pas pu être vérifié qu’ils en sont ressortissants ou à tout le moins y ont des attaches, ce qui est très préoccupant.