Rapport de visite de l’établissement public de santé mentale de Moisselles (Val-d’Oise)
Observations du ministère de la santé – EPSM de Moisselles
Suivi des recommandations à 3 ans – Etablissement public de santé mentale de Moisselles (2e visite)
Synthèse
Huit contrôleurs ont visité l’établissement public de santé (EPS) Roger Prévot de Moisselles (Val-d’Oise), spécialisé en psychiatrie, du 2 au 13 mai 2016.
L’établissement est composé de six pôles (dont un intersecteur de pédopsychiatrie sans lit d’hospitalisation à temps complet) et compte huit unités d’hospitalisation à temps complet pour 174 lits. Le premier jour de la visite, 148 patients y étaient hospitalisés dont 67 admis sans consentement.
Accueillant des patients du nord des Hauts-de-Seine, l’établissement présente la particularité d’être situé dans le Val-d’Oise, éloigné du domicile des patients comme des structures extra hospitalières. Depuis vingt ans, plusieurs projets (plus ou moins avancés) de relocalisation des unités d’hospitalisation se sont succédés sans jamais aboutir. Au moment de la visite, un nouveau projet (inscrit dans le projet régional de santé de l’ARS d’Ile-de-France) était en gestation. Globalement soutenu par les médecins exerçant au sein de l’établissement, il fédère nettement moins le personnel paramédical qui vit en général à proximité de l’hôpital et dispose de conditions avantageuses (vingt-sept jours de congés et vingt-cinq jours d’ARTT[1] annuels, crèche sur place…). Au moment de la visite, seule l’unité d’hospitalisation du pôle n° 5 a, en 2007, été « relocalisée » au sein du centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre.
En raison de ces projets successifs, l’établissement, qui présente un potentiel et des atouts certains (équilibre financier et capacités d’autofinancement, personnel relativement stable, en nombre conséquent – quasi-totalité des postes pourvus – et attaché à la structure d’hospitalisation, cadre agréable dans un parc de sept hectares) souffre d’une absence de vision à long terme qui inhibe sa vision à court terme ; la relocalisation qui tarde à se concrétiser limite chez certains une vraie implication et, par ailleurs, empêche d’investir le nouveau projet qui demeure nébuleux. Au moment de la visite des contrôleurs, l’hôpital ne disposait pas de projet d’établissement écrit, validé et crédible et le règlement intérieur rédigé en 2003 était en cours de réécriture depuis plusieurs années.
Dans ce contexte de projet de relocalisation, des actions de restructuration profonde du site de Moiselles nécessitant des investissements significatifs ne peuvent être menées. Or, les conditions matérielles d’hébergement sont inégalement satisfaisantes d’un pôle à l’autre, certaines unités sont vétustes et les chambres, à l’exception de celles du pôle n° 5, sous équipées, voire totalement dépourvues de mobilier à l’exception des lits. Par ailleurs, les unités d’hospitalisation sont toutes situées à l’étage. De ce fait, bien que l’hôpital soit implanté dans un grand parc, les unités fermées ne disposent pas de cour ou de jardin clos. Le seul espace extérieur accessible aux patients qui ne peuvent sortir de leur unité est un balcon barreaudé.
Seule l’unité d’hospitalisation du pôle n°2 fonctionne « portes ouvertes » et permet aux patients un accès libre au parc de l’hôpital. Cette pratique mériterait d’être étendue à l’ensemble des pôles de l’établissement. De façon plus générale, une réflexion globale et une harmonisation entre les unités des modalités de restriction des libertés individuelles des patients devraient être menées au sein de l’hôpital.
Les conditions d’accueil des patients admis sans consentement au sein du pôle n° 5, dont l’unité d’hospitalisation est située au CASH, sont insatisfaisantes. La prise en charge des patients souffre d’une convention a minima entre le CASH et l’EPS et de relations conflictuelles entre les directions de ces deux établissements. En effet, cette unité d’hospitalisation accueille ses patients admis en soins sans consentement au sein d’une unité du CASH (où elle dispose de deux lits) afin d’éviter d’avoir à les présenter devant le juge des libertés et de la détention (JLD) à Moisselles et parce qu’elle ne dispose pas des services de sécurité du CASH dont l’intervention peut être nécessaire pour ce type de patients potentiellement agités. Le pôle n° 5 « récupère » donc généralement ses patients après le passage devant le JLD de Nanterre, quand la mesure de contrainte a été levée ou, plus rarement, quand l’agitation a cessé. Cependant, la menace d’un retour au sein de l’unité du CASH en cas d’agitation est toujours présente. Cette situation porte atteinte au respect des droits des patients et à la qualité de la prise en charge.
En l’absence d’agent du service des séjours hospitaliers qui en ont la charge, la notification des mesures d’admission et de maintien en soins sans consentement les week-end et jours fériés n’est pas effectuée à l’EPS ; certains patients peuvent ainsi parfois rester plus de 48h sans être informés officiellement de leurs statuts et de leurs droits.
Par ailleurs, les contrôleurs ont été interpellés par l’importance du taux d’occupation des huit chambres d’isolement de l’établissement et par la durée de certains séjours perdurant depuis plusieurs années. Mais l’absence de mise en place d’un registre opérationnel, conformément aux dispositions de l’article L. 3222-1 du code de la santé publique, ne permet pas de connaître en temps réel la pratique de l’isolement et de la contention ni de l’analyser.
Il convient de préciser que certains aspects de la prise en charge des patients sont particulièrement satisfaisants à l’EPS Roger Prévot. Ainsi, l’existence d’une unité intersectorielle de soins et resocialisation (UISR) qui propose des activités nombreuses et diversifiés permet de garantir une continuité des activités thérapeutiques. La prise en charge somatique des patients est bien assurée par une équipe efficace et qui dispose de nouveaux locaux adaptés. Par ailleurs, la préparation de la sortie fait l’objet d’un travail approfondi passant notamment par une progressivité dans les sorties et par une bonne articulation entre l’intra et l’extra hospitalier.
[1] Aménagement de la réduction du temps de travail.