Rapport de la deuxième visite du centre de détention d’Uzerche (Corrèze)
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères de la justice et de la santé auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.
Suivi des recommandations à 3 ans – Centre de détention d’Uzerche (2e visite)
Synthèse
En application de la loi du 30 octobre 2007 instituant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, sept contrôleurs ont effectué une visite annoncée du centre de détention d’Uzerche (Corrèze) du 6 au 10 février 2017. Cette mission a fait l’objet d’un rapport de constat qui a été adressé à la directrice du centre de détention, et aux directeurs des centres hospitaliers du Pays d’Eygurande (soins psychiatriques) et de Tulle (soins somatiques). Les directeurs d’hôpitaux ont émis des observations, intégrées au présent rapport. Cette visite succédait à une première, effectuée du 4 au 8 octobre 2010.
Ouvert en 1990 en zone rurale, le centre de détention (CD) d’Uzerche accueille exclusivement des hommes majeurs, tous condamnés. Il s’agit d’un établissement pénitentiaire à gestion déléguée : le marché actuel (avec la société Sodexo Justice Service) court jusqu’en 2021. Il hébergeait au jour de la visite 524 personnes pour 590 places, soit un taux d’occupation de 86 %. Le public pris en charge est condamné à des peines relativement courtes (trente-trois personnes détenues purgeant une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, par exemple), ce qui s’explique en grande partie par la nécessité de désencombrer les maisons d’arrêt de la région.
Le régime de détention est libéral comme dans la plupart des CD : les portes des cellules sont ouvertes en journée dans la majorité des unités.
Les moyens humains qui lui sont affectés sont très corrects (seuls les surveillants connaissent une situation de vacances de poste, à hauteur de 7 %) mais le taux d’absentéisme est élevé. Le budget de l’établissement est presque entièrement consacré au coût du contrat, la marge d’autonomie laissée à la direction locale étant seulement de l’ordre de 100 000€ par an.
La visite de 2010 avait donné lieu à de nombreuses recommandations, dont une partie a été prise en compte. Les progrès ont presque exclusivement concerné la vie quotidienne des personnes détenues : les plaques chauffantes sont désormais autorisées ; la télévision est gratuite pour les personnes sans ressources ; il n’y a plus de restriction en matière d’accès au téléphone ou de cantines dans le quartier fermé, ni de restriction de correspondance au quartier disciplinaire ; une protection phonique a été installée autour des cabines téléphoniques. Par ailleurs, les locaux de l’unité sanitaire ont été agrandis en 2012, et trois unités de vie familiale ont été mises en service en 2014.
De bonnes pratiques ont été constatées lors de la visite de 2017 : expression collective développée, circuit des arrivants bien rodé, formalisation et notification des décisions de passage du régime ouvert au régime fermé, réunion de préparation à la sortie co-animée par trois assistantes sociales. La direction est investie est connaît bien les personnes détenues. En outre, la maintenance générale est de qualité, l’établissement vieillissant plutôt bien.
Néanmoins, des recommandations plus structurantes restent d’actualité. En premier lieu, quelques difficultés réglementaires subsistent : les procédures de déclassement ne respectent toujours pas le principe du contradictoire et le paiement d’une cotisation pour accéder aux activités sportives reste la norme. Ensuite, l’accès au centre demeure malaisé en l’absence de desserte par les transports en commun, ce qui prive certaines personnes détenues de pouvoir rencontrer leurs proches aussi fréquemment qu’elles le souhaiteraient. L’équipement en mobilier est toujours insuffisant ; les détritus continuent par ailleurs de joncher le sol au pied des bâtiments, cette situation étant aujourd’hui doublée de l’apparition de cafards en cellule. Surtout, l’impression de démotivation d’une partie du personnel demeure : les surveillants se regroupent pour la plupart aux pieds des bâtiments, leur niveau de stress est en augmentation et le taux d’absentéisme est important (vingt-quatre jours de maladie par an et par agent en moyenne). L’encadrement compense désormais cette situation par une organisation dégradée du service des agents, avec un nombre encore plus faible d’agents dans les bâtiments. Mais les personnes détenues vulnérables se sentent par conséquent insécurisées dans les unités en portes ouvertes.
Depuis la visite de 2010, s’est accentuée une certaine forme d’inadaptation du CD d’Uzerche à la population pénale qu’il héberge. L’établissement doit faire face à une violence grandissante, un turn-over important, et un public pouvant majoritairement prétendre à un aménagement de peine dès l’arrivée. Le CD d’Uzerche n’a pourtant pas été conçu comme un centre de détention pour les courtes peines. Même si ce temps d’incarcération s’est raccourci, il doit rester utile : le service pénitentiaire d’insertion et de probation doit proposer des projets plus inventifs, le temps de présence du psychiatre doit être augmenté, la formation professionnelle – désormais de la compétence de la région Nouvelle Aquitaine – doit être réinvestie. Surtout, le personnel doit se réapproprier les coursives et, soutenu par une direction invitée à pratiquer un management plus participatif, essayer d’apaiser une détention devenue souvent oppressante.