Rapport de visite du centre hospitalier de Laval (Mayenne)
Observations du ministre de la justice – CH de Laval
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la santé.
SYNTHESE
Cinq contrôleurs ont effectué une visite du centre hospitalier de Laval (Mayenne) du 27 au 31 juillet 2015. Cette structure n’avait jamais fait l’objet d’un contrôle.
Postérieurement à cette visite, un rapport de constat a été adressé au directeur général le 7 décembre 2015. Celui-ci a fait valoir ses observations par un courrier en date du 1er avril 2016 ; elles ont été prises en considération pour la rédaction du présent rapport de visite.
L’agglomération de Laval compte 100 000 habitants, soit un tiers de la population du département de la Mayenne. Le système de santé est marqué par de nombreuses contraintes, tant de financement que de répartition spatiale de l’offre de soins. Le département a été défini comme territoire de santé par le projet régional de santé des Pays de la Loire, élaboré en 2011.
Jusqu’en 1999, le centre hospitalier spécialisé de Mayenne prenait en charge la psychiatrie adulte et infanto-juvénile sur l’ensemble du département de la Mayenne. L’instauration de la psychiatrie de secteur a conduit à un découpage du département en quatre secteurs de psychiatrie générale et à la création d’un service intersectoriel de psychiatrie infanto-juvénile.
Concernant le centre hospitalier de Laval, le service de psychiatrie adulte Lavallois (SPAL), auquel sont rattachés notamment deux secteurs de psychiatrie générale (Laval Est et Laval Ouest) et le service intersectoriel de psychiatrie infanto-juvénile, couvre une population de 147 000 habitants.
En matière d’hospitalisation la psychiatrie adulte dispose de quatre-vingt-huit lits répartis en quatre unités sectorielles de vingt-deux lits qui sont des unités ouvertes. La pédopsychiatrie dispose pour l’ensemble du département d’une unité de soins intensifs et spécialisés pour enfants et adolescents (USISEA) de moins de 16 ans comprenant dix lits.
Lors de la visite du CGLPL, quatre-vingt-deux patients étaient hospitalisés en psychiatrie dont vingt-neuf avaient été admis en soins sans consentement. Un mineur, âgé de 16 ans et demi a été également admis durant la semaine où les contrôleurs étaient présents.
I/ Parmi les constats opérés, certains éléments sont incontestablement positifs
Les patients bénéficient de très bonnes conditions matérielles d’hébergement, l’aménagement des locaux et l’insonorisation du bâtiment procurent un effet apaisant et réconfortant. La conception architecturale des lieux, comprenant des espaces communs ouverts, permet aux patients de circuler librement. En outre, cela est renforcé par le choix délibéré des soignants de maintenir les unités d’hospitalisation ouvertes. Cette disposition semble faciliter les relations entre le personnel de santé et les patients et contribuer à la qualité des soins et de la vie en collectivité. Enfin, tout est mis en œuvre pour permettre aux patients hospitalisés sans leur consentement d’avoir accès aux ateliers d’ergothérapie et de bénéficier de sorties organisées par le personnel soignant.
Il convient d’apprécier la bonne articulation entre le personnel paramédical et les différents intervenants, privilégiant ainsi une offre de soins pluridisciplinaire au patient. De même, l’initiative d’engager une réflexion commune concernant les restrictions des mesures de liberté individuelle mérite d’être soulignée. Les sujets abordés portent sur la mise en pyjama systématique à l’admission, l’isolement en chambre, la limitation des visites et le retrait des téléphones portables.
Enfin, il est à noter l’instauration de réunions entre le juge des libertés et de la détention et les psychiatres des établissements du ressort, sous l’égide de l’ARS. Ces réunions permettent d’améliorer la qualité des procédures dans le cadre de l’hospitalisation sans consentement et de limiter le recours aux décisions de mainlevée.
II/ Cependant les difficultés de recrutement de praticiens hospitaliers et le nombre limité de lits d’hospitalisation pèsent sur la qualité de l’accueil et la prise en charge des patients.
Depuis plusieurs années, le service de psychiatrie infanto-juvénile fait face à une pénurie de pédopsychiatres. Au jour de la visite, ce service ne comptait que 3,3 équivalents temps plein de praticiens hospitaliers alors même que l’effectif budgété est de 9,6 équivalents temps plein. En conséquence, le service a été soumis à une réduction du nombre de lits : six places pour la période d’été puis huit lits pour le restant de l’année. L’ARS de Mayenne prévoyait d’affecter au CH de Laval un pédopsychiatre, à mi-temps, en provenance du centre hospitalier universitaire d’Angers. Il convient de rappeler que l’ensemble du département pâtit de la pénurie de praticiens hospitaliers.
Dans les unités d’hospitalisation du secteur Ouest, un poste de praticien hospitalier est vacant depuis le mois de mars 2015. En outre, à la différence du secteur Est aucun poste d’interne n’a été pourvu. Ces vacances se traduisent par des consultations médicales réalisées à intervalles trop longs notamment dans l’unité de soins de suite du secteur Ouest.
S’agissant des moyens matériels dont dispose le centre hospitalier, l’insuffisance du nombre de lits a pour conséquence des listes d’attente atteignant parfois plusieurs semaines pour des patients en phase aiguë de leur pathologie ou présentant un risque de passage à l’acte suicidaire. Ce problème est renforcé par l’accueil de plus en plus fréquent de jeunes de plus de 16 ans (617 jours d’hospitalisation en 2014) dont le séjour doit parfois être artificiellement prolongé en attendant qu’une place dans une structure éducative se libère. L’absence de convention et d’échanges, hors situation d’urgence, avec les services de protection de l’enfance apparaît renforcer les difficultés de collaboration.
III/ Des modes de fonctionnement et des pratiques pouvant porter atteinte aux droits fondamentaux des patients ont été relevés
Si l’ouverture des unités en journée permet à la majorité des patients d’aller et venir librement, en contrepartie il existe un recours plus fréquent à l’utilisation du pyjama. Ces pratiques portent atteinte à la dignité des patients. Il conviendrait de retravailler les modalités d’appréhension des conditions de séjour au regard des droits fondamentaux des personnes et des situations cliniques afin de limiter leur utilisation.
S’agissant du recours à l’isolement et à la contention, il conviendrait que l’établissement, au-delà de la traçabilité obligatoire prévue par la loi, développe un travail systématique de revues de dossiers pour les patients qui font l’objet d’une décision d’isolement ou de contention.
Concernant les audiences du juge des libertés et de la détention, depuis le 1er septembre 2014 elles doivent se tenir, sauf exception, au sein du centre hospitalier comme le prévoit la loi du 27 septembre 2013. Or pour l’ensemble des hôpitaux psychiatriques du département de la Mayenne, elles continuent à être organisées au sein du tribunal de grande instance de Laval. Il avait pourtant été envisagé d’installer une salle d’audience au sein du SPAL. En outre, il était prévu que cette salle soit mutualisée avec les autres hôpitaux psychiatriques du département (Hôpitaux de Mayenne et de Château-Gontier), ces derniers continuant de devoir amener les patients à Laval pour les audiences du juge des libertés et de la détention.
Il n’a finalement pas été aménagé de salle d’audience au sein du SPAL pour des raisons financières, les travaux pour qu’une telle salle soit conforme aux exigences de l’article L.3211-12-2, I du code de la santé publique étant apparus trop importants.
Un tel argument ne permet cependant pas de justifier que les audiences ne soient pas tenues dans une salle de réunion ordinaire de l’hôpital, et moins encore qu’elles se déroulent au tribunal dans des conditions qui ne sont pas adaptées à l’acueil de patients.
IV/ Les conditions d’hospitalisation et de prise en charge des patients détenus portent atteinte à leurs droits les plus élémentaires.
La prise en charge des personnes détenues, en provenance de la maison d’arrêt de Laval, n’est encadrée par aucun protocole avec l’administration pénitentiaire ni par une procédure interne élaborée par la direction de l’hôpital, mais résulte de pratiques du personnel soignant. Ce manque de cadre, outre qu’il complique le travail des personnels soignant et pénitentiaire, n’est pas sans conséquences sur les droits des personnes détenues qui sont accueillies au SPAL.
Ainsi durant leur transport vers le centre hospitalier, les personnes détenues sont placées systématiquement sous contention pendant le trajet, quel que soit leur état de santé, en étant entravée allongées sur le lit de l’ambulance. Pendant la durée de leur séjour elles ne sont pas autorisées à quitter leur chambre, dépourvue de poste de télévision, de fait, ils sont soumis à une forme d’isolement. Seul l’état clinique du patient devrait justifier un recours à de telles mesures.
Enfin, elles ne sont pas autorisées à recevoir des visites ni à téléphoner à leurs proches, ceci en dépit de la durée parfois longue de leur séjour (quinze jours). Cette interdiction viole le droit au respect du maintien des liens familiaux dont elles disposaient en détention.
Un travail de réflexion entre la direction du centre hospitalier d’une part et la direction de la maison d’arrêt de Laval d’autre part, devrait être engagé sans délai, afin que les droits fondamentaux des patients détenus soient préservés au cours de leur hospitalisation.