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Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville ( Meurthe-et-Moselle)

Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville (Meurthe-et-Moselle)

Observations du ministre de la santé – CP de Nancy-Maxéville (2e visite)

Observations du ministre de la justice – CP de Nancy-Maxéville (2e visite)

 

SYNTHESE

Dix contrôleurs ont effectué une visite du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville (Meurthe-et-Moselle) du lundi 27 avril au jeudi 30 avril et du lundi 4 mai au jeudi 7 mai 2015. Cette mission constituait une deuxième visite, le premier contrôle ayant eu lieu en juin 2010, soit un an après l’ouverture de l’établissement.

Un rapport de constat a été adressé le 22 octobre 2015 au chef d’établissement, au directeur du centre hospitalier régional universitaire de Nancy et au directeur du centre psychothérapique de Nancy, lesquels ont fait connaître leurs observations, respectivement en date du 24 novembre 2015, du 29 janvier 2016 et du 20 janvier 2016. Le chef d’établissement a également fait suivre les observations du responsable de site de la société GEPSA, gestionnaire de l’établissement. Le présent rapport de visite a intégré leurs observations. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) a eu communication du rapport mais n’a rien transmis aucune information en retour.

I/ Doté d’une capacité de 692 places, le centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville comptait 791 personnes hébergées lors de la visite, soit un taux global d’occupation à 114 %, en nette hausse par rapport au précédent contrôle en 2010 (taux d’occupation de 88,5 %).

Dans les quartiers de maisons d’arrêt, le taux d’occupation chez les hommes s’élève à 122 % dans le bâtiment des prévenus et à 132 % dans celui des condamnés ; il est de 117 % à la maison d’arrêt des femmes.

Dès la mise en service de l’établissement, il a été décidé d’augmenter à 879 lits la capacité de couchage des quartiers de maison d’arrêt : la totalité des cellules individuelles des deux quartiers pour hommes ont été équipées d’un second lit, superposé au premier, huit lits supplémentaires ayant été rajoutés à la maison d’arrêt des femmes.

Cette politique, destinée à garantir un lit à chaque personne et à éviter qu’elle ne dorme sur un matelas posé à même le sol, contraint toutefois à organiser une cohabitation en cellule.

Dans ces conditions, le droit fondamental à être placé en cellule individuelle relève de l’exception dans les maisons d’arrêt pour hommes : pour les deux quartiers concernés, la proportion des personnes bénéficiant d’une cellule individuelle s’établissait à 13 % au moment du contrôle.

II/ Le sentiment de « déshumanisation», mentionné dans le rapport de visite de 2010, continue d’être évoqué aussi bien par le personnel que par la population pénale pour caractériser l’ambiance au sein de l’établissement.

Ce sentiment résulte, d’une part, du concept même de « centre pénitentiaire » dans lequel doivent cohabiter des personnes ne devant pas se croiser. Cela entraine une sectorisation des différents quartiers d’hébergement, une organisation stricte des déplacements entre ces derniers, un partage des équipements communs ainsi que la démultiplication de l’action des différents services dans chacun des quartiers.

Il tient, d’autre part, au fait que tous les bâtiments présentent sensiblement la même configuration architecturale, bien que ceux-ci soient destinés à des personnes relevant de régimes de détention différents (maison d’arrêt, centre de détention).

Dans un tel contexte, la sécurité apparait nettement primer sur la mobilité des circulations.

L’activité des services est régulièrement perturbée par les absences ou les retards liés aux aléas de la circulation, qui ont des répercussions sur les plannings et les programmes et peuvent finalement affecter l’effectivité de l’accès aux droits.

Les femmes sont particulièrement touchées par cette réalité, enfermées dans un petit quartier, quasiment sinistré du fait de la pénurie de personnel, où prédomine le sentiment d’être totalement oubliées. En outre, le positionnement de la cour de la nurserie en contrebas d’un mirador est particulièrement regrettable.

Lors de leurs échanges avec les contrôleurs, surveillants et personnes détenues ont fait part du même sentiment, celui d’être « oubliés » et « tenus à l’écart ».

Le contrôle général préconise depuis plusieurs années que l’on cesse de construire ce type d’établissement[1].

III/ Dans ce contexte, le quartier de centre de détention ne remplit pas les objectifs relevant du sens de la peine et consistant à privilégier la socialisation et la réinsertion des personnes condamnées à de longues peines.

La difficulté tient, d’une part, à la configuration des locaux. Le défaut d’une structure non pensée pour héberger des condamnés à de longues peines n’a pas été compensé par un régime de détention privilégiant la socialisation des personnes, comme cela avait été recommandé au terme du premier contrôle. Au contraire, les rares lieux à vocation collective (offices de cuisine, laveries, salles d’activité) ont été fermés depuis la précédente visite.

D’autre part, l’organisation du quartier repose sur un régime différencié de détention, qui privilégie la sécurité et la discipline au détriment des objectifs d’insertion et de socialisation. Le régime de responsabilité en portes ouvertes n’est désormais appliqué que dans la moitié des unités au profit de 55 % de l’effectif du quartier, les autres personnes étant soumises à un régime dérogatoire au regard des caractéristiques normales d’un centre de détention. Nombreux ont déploré ne pas avoir le bénéfice attendu d’un régime de détention en établissement pour peine, considérant n’avoir rien de plus qu’en maison d’arrêt, hormis de bénéficier d’un placement seul en cellule. La situation des personnes considérées comme les plus vulnérables doit être reconsidérée : elles sont astreintes à un régime fermé, alors que la cohabitation dans leur aile avec les personnes à mobilité réduite, plus âgées, ou connaissant des problèmes de santé ne présenterait sans doute aucune difficulté.

Le régime de confiance, qui prédominait en juin 2010 (90 % de l’effectif), est dorénavant réservé aux seules personnes classées au travail ou en formation, alors que l’absence de classement résulte, dans la plupart des cas, de l’insuffisance de l’offre de travail et de formation et non d’un refus d’implication personnelle. De surcroît, le régime de responsabilité est apparu particulièrement restreint. Aucune autonomie réelle n’est permise pour accéder à la promenade, au sport, à la bibliothèque, en dehors de créneaux horaires fixes.

Le quartier centre de détention est perçu comme « une maison d’arrêt améliorée ».

IV/ Plusieurs éléments positifs méritent toutefois d’être soulignés alors que d’autres points sont apparus plus problématiques.

Concernant les premiers, l’investissement du personnel et la qualité du partenariat favorisent indéniablement l’accueil des arrivants, le dispositif d’accès au droit, la prise en charge médicale, l’offre de travail et de formation, l’organisation scolaire ainsi que le sport, qui constitue la principale activité pour le plus grand nombre de personnes détenues.

En revanche, plusieurs difficultés demeurent : la présence permanente (malgré des ramassages réguliers) de tas d’ordures aux pieds de bâtiments d’hébergement ; la mauvaise compréhension du système de la cantine par les personnes détenues ; les conditions de déroulement de la commission de discipline où ne sont plus visionnées les images de la vidéosurveillance ; la rigidité dans la gestion des parloirs, notamment en cas de retard des visiteurs et dans les modalités de réalisation des fouilles intégrales ; l’absence de boîtes à lettres en détention ; les mauvaises conditions d’utilisation des postes téléphoniques ; les atteintes à l’intimité et au secret médical lors des extractions médicales. La politique d’aménagement des peines est en outre très restrictive.

V/ Le fonctionnement est enfin altéré par des difficultés de personnel.

L’établissement connait, d’une part, un manque d’effectif au sein du personnel de surveillance – 16 agents manquant par rapport à l’organigramme et 8 étant indisponibles pour le service –, ce qui génère un important absentéisme, des tensions au sein du personnel et un recours épuisant aux heures supplémentaires. Faute d’effectif suffisant, un fonctionnement dit « dégradé » est mis en place et des postes sont découverts, notamment en détention.

Si les relations entre surveillants et détenus sont apparues globalement bonnes, trois situations mettant en cause le personnel ont été toutefois soumises à la direction lors de la réunion de fin de visite : l’une impliquant une équipe de surveillants dans les quartiers de maison d’arrêt, une autre concernant une surveillante du quartier des femmes, la dernière à propos d’un gradé du quartier centre de détention.

Le CGLPL souhaite être informé des suites données.

[1] Rapport d’activité 2013 – Architecture et lieux de privation de liberté, pages 188 et suivantes.