Rapport de la deuxième visite du centre éducatif fermé de Pionsat (Puy-de-Dôme)
Observation du ministre de la justice – CEF de Pionsat (2e visite)
SYNTHESE
En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le contrôleur général des lieux de privation de liberté, trois contrôleurs ont visité le centre éducatif fermé (CEF) de Pionsat (Puy-de-Dôme) du 27 au 30 avril 2015. Cette mission a donné lieu à une procédure contradictoire avec le chef d’établissement, mais c’est le directeur général de l’association SOS jeunesse, qui a repris la gestion du centre postérieurement à la visite du CGLPL et a pris la réponse à son compte.
Le CEF, qui accueillait trois jeunes au moment de ce contrôle, était toujours confronté à des difficultés majeures liées à l’absence de cohérence et de cohésion d’une équipe qui fonctionnait dans un climat de suspicion peu favorable à une dynamique vertueuse de travail. De plus, les jeunes étaient accueillis dans des locaux présentant un bon potentiel mais, en l’état, peu adaptés à la mission éducative en milieu fermé. Ainsi ce CEF n’apparaissait pas en situation de garantir le droit à l’éducation, à la scolarité et à l’insertion sociale aux jeunes accueillis.
Cet établissement a déjà fait l’objet d’un contrôle en août 2013, au moment de la prise de fonction d’une nouvelle direction, qui avait conduit à des recommandations en urgence publiées au journal officiel du 13 novembre 2013 portant sur l’obligation de définir un projet éducatif identifiable, connu de tous, contrôlable et contrôlé par les services territoriaux compétents et actualisables, de nommer un enseignant et d’assurer une permanence éducative.
Ce CEF a été fermé de mai à novembre 2014 ; cette période a été mise à profit pour travailler les documents théoriques de la prise en charge, faire des propositions d’évolutions architecturales et environnementales, non suivies d’effet au moment du contrôle.
Malgré un fort engagement de l’encadrement et de membres de l’équipe, toujours dans un cadre architectural mal adapté aux missions du CEF, la confrontation à la pratique n’a pas atteint les objectifs fixés et, très rapidement, dès décembre 2014, sont survenus de nouveaux incidents sérieux avec les cinq jeunes accueillis. Ceci dû probablement à une équipe composée essentiellement de personnes relativement peu qualifiées et d’un encadrement sans expérience en structures d’internat fermées. Dans un contexte de contentieux prudhommal et d’arrêts maladie à répétitions, l’association a décidé de se séparer de sept agents (soit un tiers de l’effectif total du CEF et la moitié de l’équipe éducative) dont le licenciement est devenu effectif au 4 mai 2015.
L’ensemble du personnel fonctionnait dans un climat de suspicion, qui crée du clivage et apparait peu favorable à une construction professionnelle collective solide.
La gestion du quotidien doit s’inscrire dans le principe de subsidiarité, les éducateurs devant être en situation de responsabilité et de légitimité face aux jeunes. Au-delà de la posture théorique d’adhésion au projet, il convient que puisse s’installer une dynamique de travail, en lien avec la confrontation à la pratique, sur les règles communes comme sur les difficultés rencontrées telles que celles liées à la violence et aux transgressions sans pour autant que les intervenants soient discrédités. Un réel travail de supervision, indépendant de la hiérarchie, doit pouvoir contribuer à l’amélioration des compétences et des savoir-être professionnels.
Au total, le CEF n’offrait pas le milieu éducatif contenant attendu d’une telle structure et les contrôleurs ont été à plusieurs reprises témoins de la vacuité du temps des jeunes accueillis et de passages à l’acte en vue de trouver des limites que le CEF peine à poser. Cette situation est constitutive d’une atteinte aux droits à la sécurité et à l’éducation des enfants accueillis et force est de constater que les recommandations faites en 2013 sont malheureusement restées d’actualité. Au surplus, la situation globale lors de la deuxième visite ne montrait pas de lignes de forces qui permettraient d’espérer une amélioration.
Dans son courrier du 11 juillet 2016, le directeur général du groupe SOS Jeunesse, qui a repris la gestion de ce CEF en novembre 2015, indique le maintien de l’ouverture de l’établissement avec un plan d’actions sur 32 mois, piloté par une nouvelle direction, avec une phase de recadrage et de stabilisation des pratiques prévue jusqu’en décembre 2016 et le maintien d’un effectif de six jeunes ; puis une phase de consolidation avec dix jeunes en 2017 ; et enfin une phase de professionnalisation jusqu’en 2018, terme du plan de formation projeté parallèlement sur 32 mois.