Rapport de la deuxième visite du centre de rétention administrative de Coquelles
Observations du ministre de l’intérieur – CRA de Coquelles (2e visite)
SYNTHESE
Trois contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté ont effectué, du 29 juin au 2 juillet 2015, une visite inopinée du centre de rétention administrative de Coquelles (Pas-de-Calais). Il s’agissait de la seconde visite du contrôle général dans ce CRA, la précédente ayant eu lieu les 4 et 5 juin 2009. Un rapport de constat a été rédigé et envoyé le 3 septembre 2015 au responsable du centre. En l’absence de réponse d la part de ce dernier, il a été considéré que les constatations n’étaient pas contestées.
On doit relever d’emblée que les contrôleurs ont rencontré des difficultés dans la communication des documents qu’ils ont sollicités. Se retranchant derrière une note de service de la direction centrale de la police aux frontières, le directeur départemental et son adjoint ont fait attendre deux jours le chef de mission pour la remise de documents pourtant tout à fait classiques dans ce type de visite. Il conviendra de rappeler à ces fonctionnaires et à leur directeur central que la loi prévaut sur les instructions de service internes. En effet, non seulement la loi du 30 octobre 2007 donne accès de tous les documents aux contrôleurs, mais la loi 2014-528 du 26 mai 2014 qui l’a complétée prévoit des sanctions pénales pour le refus de communication des informations sollicitées par le contrôleur général.
Le centre de rétention administrative de Coquelles est le reflet de la problématique migratoire du Calaisis. Le temps de rétention y est court et le turnover important. Les personnes placées en rétention se succèdent chaque jour, donnant une impression d’ « abattage » quant à la gestion de leur arrivée notamment. Les personnes retenues sont très rarement francophones, rendant difficiles les échanges avec les policiers ainsi qu’avec les intervenants.
La bonne communication entre les différents services permet néanmoins de pallier certains problèmes inhérents à la difficulté de communiquer ainsi qu’au turnover élevé. La durée relativement courte de rétention ne peut néanmoins justifier la faiblesse des activités mises à la disposition des personnes retenues, aggravée depuis la dernière visite par le retrait des babyfoots, de la table de pingpong et des paniers de basketball. L’ambiance au sein du centre est apparue sensiblement différente selon les brigades de jour assurant la garde des personnes retenues.
Si des améliorations depuis la première visite ont pu être constatées, les contrôleurs ont relevé une série de problèmes, concernant les mobiliers et les locaux, sur l’organisation et le fonctionnement, et sur la pratique consistant à utiliser ce centre de rétention pour tenter de réduire le nombre d’étrangers en instance de départ à Calais ou ses environs.
I – Les observations de 2009 ont globalement été prises en compte
Les femmes ne sont plus reçues au centre de Coquelles, les papiers d’identité des visiteurs ne sont plus photocopiés, les placements en chambre isolée pour indiscipline font désormais l’objet d’une en meilleure traçabilité, et la mesure est encadrée par une note de service.
L’information des personnes retenues sur leur date de départ est désormais assurée selon des modalités qui, sans doute, peuvent être améliorées mais qui ont le mérite d’avoir été réfléchies.
Il n’est plus non plus fait un usage détourné des textes sur les soins sans consentement pour les personnes retenues souffrant de problèmes psychiatriques. La prise en compte médicale des personnes retenues s’est grandement améliorée, et le taux d’occupation ne dépasse plus que très rarement les 100%.
Par contre, comme en 2009, les registres ne sont pas tenus avec le soin et la rigueur nécessaires, à tel point que le devenir d’importantes valeurs en devises européennes ou étrangères n’est pas tracé, ce qui peut gravement insécuriser à la fois les personnes privées de liberté et les policiers.
Enfin, les mêmes interrogations qu’en 2009 sont posées sur l’implantation de la salle d’audience à l’intérieur même de l’enceinte de police. La publicité des débats dans ces conditions reste toujours théorique.
II Les mobiliers et les locaux nécessitent des aménagements, des réfections et des améliorations.
Il a été indiqué aux contrôleurs lors de la visite qu’une réfection globale des locaux était prévue ; elle s’avère en effet nécessaire à très court terme. Les dégradations sont nombreuses, et semble-t-il également les malfaçons, notamment dans les pièces humides. Au-delà de ce qui relève d’un entretien courant devenu impératif, on s’interrogera sur l’enlèvement, depuis la visite de 2009, des rares équipements de loisirs (babyfoot, paniers de basket) à disposition des personnes retenues. Les locaux dévolus aux associations habilitées apparaissent également particulièrement sous-dimensionnés.
III L’organisation et le fonctionnement peuvent être sensiblement améliorés
Comme indiqué ci-dessus, il s’est avéré que la tenue des registres était en largement en dessous d’un niveau acceptable. Mais il est difficile d’attendre des résultats meilleurs d’une structure d’une centaine de fonctionnaires où ne figurent dans l’organigramme que deux officiers dont l’un est chroniquement absent. Il est opportun de doter ce service d’une direction plus étoffée
Le comportement de certains policiers est apparu, même en présence des contrôleurs, totalement inapproprié. Non qu’il ait été fait usage de la force ou de l’invective mais la personne étrangère est niée en sa qualité même de personne humaine par certains comportements totalement déshumanisés que la multiplicité des missions ne peut justifier. Il convient de préciser que ces remarques n’ont concerné que l’une des équipes de policiers.
Il est apparu également que la notification des droits effectuée en amont de l’arrivée au CRA est encore superficielle. Les personnes retenues dépendent encore trop de l’association d’aide juridique voire d’autres personnes retenues pour comprendre leurs droits et les voies de recours qui leur sont ouvertes.
Si l’offre de soins globale ne mérite aucune remarque, en dehors de la difficulté d’obtenir des visites auprès des dentistes qui ne concerne pas que le public du CRA, une pratique initiée par les médecins doit cesser. Il s’agit de la remise le soir des médicaments destinés aux personnes retenues par les policiers qui d’ailleurs accomplissent cette tâche à leur corps défendant.
Enfin, les difficultés de communication entre les différents intervenants au sein du centre de rétention administrative et les personnes qui y sont privées de liberté sont apparues comme un facteur particulièrement déstabilisant et déshumanisant. L’absence d’interprète conduit à l’usage généralisé de quelques mots d’anglais et réduit les contacts avec les personnes retenues à quelques ordres ou indications particulièrement sommaires.
IV L’utilisation du CRA de Coquelles comme lieu de passage très court avant des transferts vers d’autres centres éloignés constitue une pratique inacceptable.
Dans un courrier en date du 7 août 2015, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a exprimé ses plus vives inquiétudes quant aux risques d’atteintes au droit au recours de ces personnes et des conséquences anxiogènes de ces déplacements. Par la suite, les interpellations massives réalisées à Calais en vue de déplacer ces personnes vers d’autres CRA ont fait, le 13 novembre 2015, l’objet d’une recommandation en urgence.