Observations du ministère de la justice – UHSI de Bordeaux (2e visite)
Observations du ministère de la santé- UHSI de Bordeaux (2e visite)
SYNTHESE
En application de la loi du 30 octobre 2007, instituant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, trois contrôleurs ont effectué une visite inopinée à l’unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) rattachée au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux – Groupe Hospitalier Pellegrin, les 8, 9 et 10 juin 2015.
L’UHSI avait fait l’objet d’une précédente visite les 15 et 16 décembre 2010.
A l’issue de cette seconde visite, un rapport de constat a été rédigé et envoyé le 22 octobre 2015, d’une part au directeur du centre pénitentiaire de Bordeaux Gradignan, dont les services sont responsables de la surveillance et du transfert des patients détenus, d’autre part au directeur général du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, ayant en charge les soins dispensés dans l’unité. Seul ce dernier a fait connaître ses observations par un courrier en date du 5 avril 2016 ; elles ont été prises en considération pour la rédaction du rapport de visite.
Le CHU de Bordeaux compte trois grands groupes hospitaliers dont l’hôpital Pellegrin auquel est rattachée l’UHSI. Cette unité fait partie du pôle médico-judiciaire qui comprend le service de médecine légale, l’unité sanitaire du centre pénitentiaire de Bordeaux Gradignan, le centre d’accueil en urgence des victimes d’agression, les dépositoires des trois sites et, depuis le mois de janvier 2015, le centre de rétention administrative de Bordeaux.
L’UHSI accueille des patients détenus des deux sexes, majeurs et mineurs âgés de plus de 13 ans, des vingt établissements pénitentiaires des régions Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes ; elle prend en charge en sus, comme hôpital de proximité, les urgences du centre pénitentiaire de Bordeaux Gradignan.
Lors de la visite, onze patients détenus étaient hospitalisés. La capacité d’accueil de l’unité était de seize lits, dont huit lits d’hospitalisation complète et huit autres réservés aux hospitalisations de semaine. En effet, en raison des contraintes budgétaires auxquelles a été confronté le CHU, il avait été décidé de transformer huit lits d’hospitalisation complète en lits d’hospitalisation de semaine. Cela a eu pour conséquence de générer des reports d’admission et des sorties prématurées de patients, comme avaient pu le constater les contrôleurs. Depuis le mois de janvier 2016, l’UHSI a recouvré sa capacité initiale de seize lits d’hospitalisation complète.
I/ La seconde visite de l’UHSI a permis de mesurer les améliorations tant sur un plan structurel que sur la prise en charge des patients détenus.
a/ Depuis la première visite de 2010, un changement notoire a été effectué au sein de l’UHSI. L’intégralité des missions incombant auparavant aux forces de police (transfert des patients détenus en direction ou en provenance des lieux d’incarcération, sécurité périmétrique, extractions médicales) a été confiée à l’administration pénitentiaire depuis le premier trimestre 2011. Il en résulte une meilleure coordination des extractions médicales et des transferts. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles se déroulent les consultations et les examens médicaux à l’extérieur de l’UHSI se sont améliorées : les moyens de contrainte sont automatiquement retirés par les surveillants alors que les policiers ne les retiraient qu’à la demande expresse du médecin.
b/ A la différence de la première visite, l’atmosphère est apparue sereine au sein de l’UHSI, le personnel pénitentiaire s’attachant à désamorcer avec le patient détenu toute situation pouvant devenir potentiellement conflictuelle. La dimension humaine apparaît significative au travers, notamment de l’organisation et du fonctionnement des parloirs. La situation particulière des patients détenus en fin de vie fait l’objet d’une attention remarquable, que ce soit en termes d’accélération de l’établissement de permis de visite pour les proches qui n’en avaient pas, ou en termes d’aménagement des horaires et modalités de visite des familles qui sont gérés de façon compréhensive.
c/ Les relations de travail entre le personnel pénitentiaire et le personnel sanitaire se sont également nettement améliorées. Un réel dialogue a été instauré permettant d’optimiser la prise en charge des patients détenus. Ainsi, le personnel pénitentiaire facilite l’accès du personnel soignant aux chambres d’hospitalisation, ce qui contribue à une bonne organisation des soins. Au sein même de l’unité, les consultations médicales et les soins infirmiers se déroulent de manière à respecter le secret médical et à préserver l’intimité du patient.
II/ Cependant certaines pratiques, portant atteinte au respect du secret médical et à la dignité des patients détenus, demeurent d’actualité.
a/ En dépit des recommandations formulées par le Contrôleur général à l’issue de la première visite, et malgré l’amélioration mentionnée ci-dessus en ce qui concerne les moyens de contrainte, les conditions dans lesquelles se déroulent les consultations médicales en dehors de l’UHSI portent atteinte au respect du secret médical et à la dignité du patient. La présence systématique du personnel de surveillance lors des examens médicaux n’est pas admissible. A ce propos, il convient de rappeler les termes de l’avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté publié au Journal officiel le 16 juin 2015, relatif à la prise en charge des personnes détenues au sein des établissements de santé.
b/ A la différence de 2010, la pratique systématique de la fouille intégrale pour les nouveaux entrants n’est plus appliquée. Cependant, il conviendrait de s’assurer avec certitude que la personne hospitalisée n’a pas fait l’objet d’une fouille intégrale dans son établissement d’origine avant, le cas échéant, de lui en faire subir une seconde à son arrivée à l’UHSI. De même, les modalités de la fouille, systématiquement intégrale, à l’issue des parloirs, sont pour le moins questionnables. Cette procédure doit se fonder sur des motifs précis et personnalisés et une note de service doit en spécifier les modalités.
III/ Les aménagements réalisés pour améliorer le quotidien des patients détenus doivent se poursuivre.
a/ Depuis la première visite, l’accès aux communications téléphoniques a été facilité par l’installation d’une cabine téléphonique mobile. En outre, les patients détenus peuvent désormais disposer de livres, revues, CD audio et appareils d’écoute grâce au partenariat conclu avec la médiathèque de l’hôpital. Cependant, le passage hebdomadaire d’un représentant de la médiathèque ne saurait remplacer l’utilisation effective de la bibliothèque initialement prévue. Le sentiment d’isolement parmi les patients détenus est considérable. Il convient d’aménager une cour de promenade.
b/ Les patients détenus en provenance d’établissements pénitentiaires autres que le centre pénitentiaire de Bordeaux Gradignan sont défavorisés quant à leurs conditions d’hospitalisation. La procédure consistant en un changement de numéro d’écrou et de transfert des comptes nominatifs et SAGI, à l’arrivée et au départ de l’UHSI pour ceux qui ne proviennent pas du centre pénitentiaire de Bordeaux Gradignan, implique de nombreuses difficultés que ce soit en termes d’accès à la cantine, d’accès au téléphone ou de réception du courrier. Par ailleurs, les délais pour le suivi du dossier d’exécution des peines sont allongés. Cette situation s’applique aux autres UHSI mais également aux unités d’hospitalisation sécurisées aménagées (UHSA) visitées par le CGLPL. Il conviendrait d’engager une réflexion au sein de l’administration pénitentiaire, en lien avec les directions interrégionales (DISP) et les établissements auxquels sont rattachés les UHSI, afin d’envisager que les personnes détenues admises à l’UHSI ne fassent plus l’objet d’un transfèrement administratif entrainant un changement d’écrou et restent donc rattachées à leur établissement d’origine.
De surcroît, le positionnement de l’UHSI comme structure régionale – comme le sont actuellement les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) – permettrait à chaque DISP d’exercer sur l’UHSI de son ressort une fonction de pilotage et de contrôle portant sur l’ensemble d’un processus d’hospitalisation qui concerne potentiellement l’ensemble des établissements pénitentiaires, ce que ne peut pas faire aujourd’hui un établissement de rattachement.
c/ Enfin, la question du traitement de l’indigence à l’UHSI demeure également problématique car il n’existe pas de prise en charge spécifique. A ce jour aucune solution n’a été identifiée pour que les patients détenus dépourvus de ressources financières suffisantes, puissent bénéficier d’une allocation leur permettant d’améliorer leur quotidien durant leur hospitalisation.