Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Nevers (Nièvre)
Observations du ministre de la santé – MA de Nevers (2e visite)
Observations du ministère de la justice – MA de Nevers (2e visite)
Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt de Nevers (2e visite)
SYNTHESE
En application de la loi du 30 octobre 2007 instituant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, cinq contrôleurs ont effectué une visite de la maison d’arrêt de Nevers (Nièvre), du 7 au 10 mars 2016. L’établissement avait fait l’objet d’une précédente visite en mars 2011. Un rapport de constat a été adressé le 26 juillet 2016 au chef d’établissement et au directeur du centre hospitalier d’agglomération de Nevers (CHAN). Le directeur interrégional des services pénitentiaires Centre-Est-Dijon a transmis le 14 septembre 2016 des observations émanant du chef d’établissement et des départements du siège de la direction interrégionale, la directrice-adjointe du CHAN ayant transmis les siennes le 25 août 2016.
I – Bien qu’ancienne, la maison d’arrêt de Nevers est une structure qui présente bon nombre d’avantages et la décision de la maintenir en activité apparait judicieuse.
Non touchée par la surpopulation – 103 personnes détenues présentes au premier jour du contrôle –, la maison d’arrêt dispose d’une capacité de 118 places, qui s’avère en rapport avec l’activité judiciaire du tribunal de grande instance, à l’exception toutefois des femmes et des mineurs. Mais s’il n’existe aucune suroccupation au regard de la capacité d’hébergement, l’installation d’un second lit dans la plupart des cellules individuelles et d’un troisième dans les cellules prévues pour deux personnes a cependant pour conséquence que moins d’un quart des personnes détenues bénéficiaient d’un encellulement individuel au moment du contrôle. Ce droit fondamental serait mieux pris en compte si l’établissement n’était pas périodiquement sollicité pour recevoir, en désencombrement, des personnes issues des maisons d’arrêt de la région.
L’établissement est implanté dans le centre-ville de Nevers et bénéficie en outre d’une bonne desserte par les transports en commun. A la différence d’autres structures de ce type aussi anciennes, sa mise en service datant du Second Empire, la maison d’arrêt occupe une parcelle importante en superficie, de nature à permettre la réalisation de travaux de modernisation.
L’existence en son sein d’un quartier de semi-liberté, directement accessible depuis la cour d’honneur, constitue un atout supplémentaire.
La détention est calme, les violences y sont rares, et les personnes qui y vivent ont indiqué ne ressentir aucun climat d’insécurité. Les personnes les plus vulnérables sont hébergées dans une aile qui leur est réservée et peuvent vivre normalement, se rendre en promenade, à la bibliothèque et au parloir, participer au sport et aux activités, travailler et se former à l’atelier et dans les salles de classe.
En outre, plusieurs améliorations ont été apportées à la suite des recommandations faites à l’issue du premier contrôle en 2011 : la prise en charge par l’unité sanitaire et par le SPIP, les conditions d’accueil à l’arrivée, la construction d’ateliers de production, la rénovation de la salle de musculation ou encore la mise en cantine de plaques chauffantes.
II – Mais la décision de ne pas fermer l’établissement doit aller de pair avec la réfection des locaux et une réflexion sur le fonctionnement général de la maison d’arrêt.
La vétusté des bâtiments est telle qu’un programme complet de réhabilitation des locaux doit être rapidement arrêté. Ce plan de réfection et d’équipement concerne prioritairement les cellules (pas d’eau chaude), les douches, les cours de promenades, le parloir (salle de visite sans intimité possible), le quartier de semi-liberté (en état de quasi abandon) et l’unité sanitaire.
Dans plusieurs domaines, les procédures doivent être revues.
Il en est ainsi de la pratique des fouilles, systématiques s’agissant de la palpation des personnes au départ et au retour de la promenade ; des fouilles intégrales sont pratiquées lors de la réintégration du quartier de semi-liberté, et n’apparaissent pas proportionnées au but recherché et constituent donc une atteinte aux droits fondamentaux des personnes détenues.
L’absence de semi-libre lors du contrôle doit également conduire à une réflexion sur le fonctionnement du quartier de semi-liberté et, notamment, à envisager un assouplissement des horaires d’ouverture pour permettre aux personnes détenues, dont le profil le permet, d’accéder plus facilement à cette mesure d’aménagement de peine.
Les consultations et examens à l’hôpital sont réalisés avec un manque de discernement dans l’utilisation des moyens de contrainte (imposés à toutes les personnes quel que soit leur niveau de dangerosité) et au mépris de la dignité des personnes et de la confidentialité des soins (réalisés quasi systématiquement en présence des surveillants assurant les escortes).
Le respect de la confidentialité des soins n’est pas, non plus, assuré de manière optimale au sein de l’unité sanitaire : du fait du positionnement de l’unité sanitaire dans un couloir de passage pour l’accès à de nombreuses activités, mais aussi de l’absence de boîtes à lettres spécifiques pour les courriers des personnes détenues destinés à l’unité sanitaire et dont seul le personnel hospitalier aurait la clé.
Les mouvements des personnes détenues vers l’unité sanitaire s’effectuent difficilement avec des temps d’attente importants. Afin de diminuer l’absentéisme des patients, les contrôleurs recommandent une information écrite préalable aux rendez-vous programmés, ce qui permettrait aux personnes détenues de connaitre le motif et l’heure de leur convocation à l’unité sanitaire.
Il est toutefois pris acte des informations apportées par le directeur interrégional dans sa réponse au rapport de constat, s’agissant de la mise à disposition pour le personnel de santé d’une adresse de messagerie électronique et d’un accès à l’intranet du centre hospitalier.
III – Une attention particulière doit être enfin apportée au personnel de surveillance.
Malgré un déficit de personnel et un absentéisme en résultant, la maison d’arrêt a constitué un groupe de surveillants polyvalents (« l’équipe n° 8 »), présents tous les jours de la semaine, qui jouent un rôle essentiel dans la gestion quotidienne. Ce type d’organisation mériterait d’être analysé en vue d’un développement éventuel dans des établissements analogues.
Des tensions existent en revanche parmi les surveillants postés en détention. Certains sont apparus définitivement installés sur place avec une motivation aléatoire et une réticence à toute évolution. Certains surveillants – parfois les mêmes – font preuve d’autoritarisme vis-à-vis de personnes détenues, profitant de leur faible nombre et de leur soumission supposée, alors qu’ils entretiennent des rapports très détendus avec d’autres.
Cette situation génère un sentiment d’arbitraire et des tensions au sein de la population pénale. Elle persiste faute d’une présence forte du personnel d’encadrement en détention pour harmoniser les pratiques, réguler les comportements et dépasser les antagonismes entre les uns et les autres.
La nomination à plein temps d’un chef de détention contribuerait sans doute à mieux garantir le respect des droits des personnes et le bon fonctionnement de l’établissement.