Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Grenoble-Varces (Isère)
Observations du ministre de la santé – MA de grenoble-Varces (2e visite)
Observations du ministère de la justice – MA de Grenoble-Varces (2e visite)
Suivi des recommandations à 3 ans – Maison d’arrêt de Grenoble-Varces (2e visite)
SYNTHESE
En application de la loi du 30 octobre 2007 instituant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, cinq contrôleurs ont effectué une visite à la maison d’arrêt de Grenoble – Varces (Isère) du 8 au 12 février 2016. Cet établissement avait déjà fait l’objet d’un premier contrôle en octobre 2009.
Postérieurement à cette visite, un rapport de constat a été rédigé et adressé le 2 août 2016, d’une part à la directrice de la maison d’arrêt de Grenoble – Varces, d’autre part au directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble et au directeur du centre hospitalier Alpes Isère (CHAI), ayant en charge respectivement les soins somatiques et les soins psychiatriques dispensés à l’unité sanitaire. En réponse, la directrice de la maison d’arrêt et le directeur du CHAI ont fait connaître les observations que le rapport a pu susciter de leur part. Ces observations ont été prises en considération pour la rédaction du présent rapport de visite.
Cet établissement, en service depuis 1972 et d’une capacité d’accueil de 232 places, reçoit des personnes prévenues et des personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à deux ans, ou en attente d’un transfert vers un établissement pour peine. Il est également doté d’un quartier des mineurs qui dispose de vingt places. L’ensemble des locaux, à l’exception du quartier des mineurs construit en 2005, est vétuste et les conditions d’hébergement sont indignes. Au jour de la visite, les effectifs comptaient 331 personnes détenues, dont neuf mineurs, soit un taux d’occupation de 157% au quartier des majeurs.
I/ Cette seconde visite de la maison d’arrêt de Grenoble – Varces a permis de mesurer des améliorations considérables par rapport à la situation constatée en 2009.
En premier lieu, l’établissement est géré par une équipe de direction solide fonctionnant en synergie avec les officiers. L’articulation et l’échange permanent d’informations entre ces deux équipes favorisent une gestion cohérente de la détention. La bonne connaissance des personnes détenues par le personnel pénitentiaire facilite également la gestion de proximité ; elle permet en outre de prévenir et de limiter d’éventuels incidents, d’autant plus que les officiers sont vigilants dans les choix des affections en cellule.
Enfin, les réponses aux requêtes, notamment celles adressées à la direction, sont communiquées dans des délais raisonnables.
L’ensemble de ces mesures contribue largement à apaiser le climat de la détention. A cet égard, les relations entre le personnel pénitentiaire et les personnes détenues ont paru relativement sereines.
S’agissant de la prise en charge des mineurs, les différents acteurs et intervenants travaillent de concert y compris dans la gestion de la discipline. En outre, la volonté de la direction de rencontrer systématiquement les familles et de les associer au projet défini pour leur enfant est une excellente initiative.
En dernier lieu, il convient de noter la réorganisation des parloirs et la désignation d’un premier surveillant ainsi que l’affectation de deux agents en poste fixe, chargés de veiller au bon déroulement des visites. Les qualités relationnelles de ces agents ont été soulignées par les avocats et les familles rencontrés, ces dernières appréciant notamment d’avoir des interlocuteurs bien identifiés.
Enfin, la qualité du partenariat entre les différents services intervenant auprès de la population pénale constitue un point fort de l’établissement.
II/ Des éléments très favorables, constatés auparavant, sont toujours d’actualité.
Comme par le passé, il existe toujours une politique affirmée d’aménagement des peines à Varces qui s’est traduite, en 2015, par un taux d’aménagement des peines de 40 % environ. A cet égard, le dynamisme et la compétence du SPIP, dans la gestion et le suivi des personnes détenues, méritent d’être soulignés. Les projets qui sont présentés au juge de l’application des peines sont de qualité. Le SPIP a établi un partenariat efficace avec des structures locales offrant d’intéressantes opportunités de placements extérieurs. De même l’instauration d’ateliers de préparation à la sortie est une initiative qui devrait être élargie à l’ensemble des établissements pénitentiaires.
S’agissant de la prise en charge somatique et psychiatrique, l’offre de soins proposée est adaptée aux besoins de la population pénale. Il y a lieu de souligner la disponibilité des professionnels de santé pour répondre, dans les meilleurs délais, aux demandes de consultation spontanées. De même, la mise en place d’astreintes médicales pour assurer la continuité des soins en dehors des heures d’ouverture de l’unité sanitaire constitue une excellente initiative.
III/ Cependant le phénomène de surpopulation, la vétusté des locaux et la pénurie de personnel pénitentiaire demeurent des problèmes majeurs auxquels il est urgent de remédier.
Comme évoqué supra, le taux d’occupation était de 157 % au quartier des majeurs au moment de la visite. En 2009, ce phénomène de suroccupation existait déjà, s’illustrant par un taux d’occupation de 139 %. L’établissement a donc fait le choix de ne pas aménager de quartiers distincts pour les condamnés et les prévenus et de privilégier la séparation des personnes détenues en fonction de leur quartier d’habitation d’origine. Ce dispositif permet de limiter la survenue d’actes de violence et de règlements de compte parmi la population pénale issue, en majeure partie, du « milieu Grenoblois ». In fine, la séparation des deux catégories s’effectue par cellule. Il n’en demeure pas moins que la détention est émaillée de nombreux incidents et actes de violence.
Si ces phénomènes de violence sont, en partie, favorisés par la surpopulation, les conditions d’hygiène et d’hébergement, indignes, y contribuent largement. Bien que l’établissement n’ait pas recours aux matelas au sol, les personnes détenues sont hébergées à deux, voire à trois, dans des cellules d’une superficie de 8,77 m2. Après retrait de la superficie occupée par les meubles, l’espace disponible pour circuler est ainsi réduit à 4,5 m², soit 2,25 m² par personne. L’écart avec les normes définies par le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe est élevé.
A l’exception de l’installation de l’eau chaude dans les cellules, aucune amélioration n’a été apportée au quartier des majeurs en dépit des recommandations émises par le Contrôle général à l’issue de la première visite. Les cellules sont très dégradées, les personnes détenues sont soumises aux intempéries et au froid lorsque les fenêtres sont cassées car elles ne sont pas réparées. En outre, la disposition des cellules n’offre pas de réelle séparation entre l’espace sanitaire et le reste de la cellule, ce qui constitue une atteinte à la dignité des occupants. Le quartier disciplinaire et les douches communes sont également très détériorés. De plus, les interphones des cellules ne fonctionnent toujours pas. La sécurité des personnes détenues ne peut donc pas être assurée, notamment durant la nuit, de façon optimale. Enfin, l’équipement des cours de promenades demeure largement insuffisant voire inexistant pour certaines. Aucune cour ne dispose d’un abri au prétexte que la surveillance des personnes détenues ne peut être réalisée correctement. L’argument invoqué est irrecevable car les autres établissements pénitentiaires en sont équipés.
S’il y a lieu de souligner la présence, relativement constante, d’un lieutenant ou de son adjoint à chaque étage, un seul surveillant est affecté dans chaque coursive dont certaines comptent quatre-vingt-dix personnes détenues. Lors de la visite, des jeunes stagiaires, représentant 23 % de la totalité des effectifs, occupaient la fonction de surveillant d’étage ; certains paraissaient être en grande difficulté pour assumer les responsabilités qui leur avaient été confiées. Par ailleurs, parmi les quatre-vingt-dix postes de surveillants, douze étaient vacants au moment de la visite. Cette pénurie d’agents a des conséquences directes sur le mode de fonctionnement qualifié de « dégradé » par le personnel pénitentiaire. A titre d’exemple, les effectifs sont insuffisants pour assurer une surveillance efficace des cours de promenade. De même lors des mouvements, les surveillants sont absents des coursives durant une demi-heure et les officiers ne sont pas systématiquement présents dans les étages.
IV/ D’autres constats portant sur le fonctionnement général nécessitent également des réajustements.
A l’instar des nombreux établissements pénitentiaires visités par le contrôle général, les conditions dans lesquelles se déroulent les consultations médicales au CHU de Grenoble portent atteinte au respect du secret médical et à la dignité du patient. La présence systématique du personnel de surveillance lors des examens médicaux n’est pas admissible. A ce propos, il convient de rappeler les termes de l’avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté publié au Journal officiel du 16 juin 2015, relatif à la prise en charge des personnes détenues au sein des établissements de santé.
Si le personnel pénitentiaire est vigilant quant à la protection des personnes dites « vulnérables », il n’en demeure pas moins que celles dont l’affaire est médiatisée sont soumises aux insultes et aux menaces des codétenus. Il est regrettable que l’établissement ne dispose pas d’un quartier d’isolement qui permettrait de mieux les protéger.
Les moyens alloués pour maintenir les liens familiaux sont insuffisants. Les coursives ne disposent toujours pas de « point-phone ». Les personnes détenues ne peuvent téléphoner que depuis les cours de promenade dont les tours prennent fin à 15h30. Par ailleurs, celles qui appréhendent, pour leur sécurité, d’aller en promenade ne peuvent donc pas communiquer avec leurs proches.