Rapport de visite du centre hospitalier spécialisé Jean-Pierre Falret à Leyme et Cahors (Lot)
Observations du ministre de la santé_CHS de Leyme et Cahors
Observations du ministre de la justice_CHS de Leyme et Cahors
Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, aux ministères intéressés auxquels un délai de huit semaines a été fixé pour produire leurs observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite par le ministère de la santé.
SYNTHESE
Six contrôleurs du Contrôle général des lieux de privation de liberté ont effectué une visite annoncée du centre hospitalier spécialisé Jean-Pierre Falret à Leymes (Lot) du 5 au 9 janvier 2015 et deux d’entre eux ont visité l’unité implantée à Cahors du 12 au 15 janvier 2015.
A l’issue de leur visite, les contrôleurs ont rédigé un rapport de constat, qui a été communiqué le 17 avril 2015 au chef d’établissement. Ce dernier a fait part de ses observations le 3 juin 2015.
1/ Le centre hospitalier, géré par une association, est implanté sur deux sites. La partie principale (avec 131 lits répartis dans les sept unités pour adultes et 17 lits pour l’unité réservée aux mineurs) se trouve à Leyme, commune de moins de 1 000 habitants située au Nord-Est du département, à 76 km de Cahors, dans une zone d’accès difficile, notamment en période hivernale, que ne dessert aucune ligne de bus ; la gare la plus proche est à 20 km. Une unité de 18 lits est située à Cahors, près de l’hôpital général.
Le centre hospitalier spécialisé de Leyme est géré par l’institut Camille Miret, association d’intérêt général à but non lucratif, qui intervient aussi dans des différents domaines (médico-social, social et hébergement social) pour ne pas se limiter à la partie sanitaire mais travailler aussi en amont et en aval et aider les patients durant la totalité de leur parcours. L’institut a ainsi repris de petits établissements médico-sociaux et le centre hospitalier Jean-Pierre Falret a été désigné comme l’établissement responsable des deux secteurs de psychiatrie adultes et de l’inter-secteur de psychiatrie infanto-juvénile du Lot. Dans ce département où les psychiatres libéraux sont très rares, l’établissement tient donc une place majeure.
A Leyme, l’hôpital est implanté sur le site d’une ancienne abbaye, transformée au 19ème siècle pour donner des soins aux malades mentaux. Il est constitué de bâtiments anciens, de belle apparence et bien entretenus mais aussi de quelques autres, plus récents, sur la périphérie du site. Proche du village, il est entouré de grands espaces verts et ouvert sur l’extérieur ; aucun mur d’enceinte n’existe, aucun poste de filtrage ne limite les entrées, aucun dispositif de vidéosurveillance n’est installé à l’extérieur des bâtiments. La circulation y est aisée et une ambiance apaisante se dégage de l’ensemble (cf. § 2.1).
L’unité d’hospitalisation complète (UHC) de Cahors est une unité ouverte, sans chambre d’isolement. Très confortable et bien équipée, elle n’est pas adaptée aux patients en soins sans consentement ; elle en reçoit cependant une quinzaine par an, lorsque leur état psychique le permet, c’est-à-dire la plupart du temps en fin d’hospitalisation à l’issue d’un séjour dans une des unités de Leyme. Dès que leur état s’aggrave, ils sont transportés en urgence à Leyme. Malgré l’existence de deux salles de réunion, il n’est pas prévu de salle d’audience à l’intérieur de l’UHC ni dans l’hôpital général, situé à quelques dizaines de mètres de l’unité. Les patients sont transportés en voiture au tribunal de grande instance (TGI) situé à moins de 10 mn à pied (cf. § 5.1).
Le recrutement de psychiatres est difficile et la position excentrée du centre hospitalier, à Leyme, n’y est probablement pas étrangère. Des postes étaient vacants lors de la visite et les équipes soignantes le ressentaient douloureusement.
Les infirmiers sont nettement plus nombreux que les aides-soignants et les équipes sont en nombre conséquent par rapport à ce qui peut être observé ailleurs. Le personnel, essentiellement en contrat à durée indéterminée, bénéficie d’avantages sensibles grâce à des accords locaux. Le taux d’absentéisme est faible.
Les personnels ont paru très impliqués et différentes réflexions sont menées au sein de l’établissement pour faire évoluer les pratiques. L’établissement est en mouvement : l’organisation de la direction étant en cours de modification lors de la visite, des attributions supplémentaires étaient confiées aux cadres de santé pour valoriser leurs fonctions… Cette situation mérite donc d’être soulignée (cf. § 2.4).
Le nombre des patients admis en soins psychiatriques en péril imminent a atteint près de la moitié de celui des admissions à la demande d’un tiers. Ce sujet, qui a attiré l’attention de l’agence régionale de santé, du centre hospitalier Jean-Pierre Falret et de la commission départementale des soins psychiatriques, a entraîné une réaction et des réunions sont prévues avec les services d’urgence pour que le statut de « péril imminent » soit dûment justifié par l’impossibilité d’agir autrement, en l’absence de tiers. L’évolution mérite d’être suivie avec attention (cf. § 2.5, 3.1.1 et 3.12).
2/ Des constats opérés, certains éléments sont incontestablement positifs.
Dans les unités, le régime de la liberté pour téléphoner, recevoir des visites ou sortir est la règle. Les communications téléphoniques émises à partir des postes fixes sont gratuites et les patients majeurs peuvent conserver leur téléphone portable, sauf à l’unité fermée d’hospitalisation et de crise où ils peuvent cependant les utiliser de façon ponctuelle. Les interdictions sont limitées et décidées par les médecins, sur prescription médicale, au cas par cas, en fonction de la situation de chacun. Les relations sexuelles ne constituent pas un tabou : aucun interdit n’est imposé, aucune sanction n’est prononcée et le sujet est abordé avec le médecin, si nécessaire (cf. § 4.2.2.1-a et § 4.2.4.4.a).
La règle fortement affirmée selon laquelle la chambre de chaque patient constitue un « lieu privatif thérapeutique » est très fortement affirmée dans la majeure partie des unités. Ce respect mérite d’être souligné (cf. § 4.2.1.1).
La conservation de leurs vêtements personnels par les patients, leur évitant aussi de revêtir un pyjama en journée (hors isolement), est une bonne pratique qui mérite d’être relevée (cf. § 4.2.1.4 – a).
La fermeture à clé des armoires placées dans les chambres des patients est une mesure judicieuse car elle leur permet de conserver en sécurité des objets sensibles ou attractifs, d’autant que les pertes de clés sont rares. Cet exemple montre que cette bonne pratique pourrait être également adoptée dans d’autres établissements (cf. § 4.2.1.1).
L’accès aux images de vidéosurveillance provenant de la caméra de la seule chambre d’isolement de l’unité fermée d’hospitalisation et de crise équipée d’une caméra est protégé : elles ne sont pas enregistrées, la visualisation en direct nécessite un mot de passe et l’écran est éteint en dehors des périodes d’utilisation (cf. § 4.2.1.1).
La possibilité donnée aux patients de l’unité fermée d’hospitalisation et de crise de sortir dans la cour durant toute la journée est une bonne pratique. L’installation en rez-de-chaussée le facilite. L’absence d’activité d’ergothérapie est pénalisante mais la mise en place d’une salle de créativité, en cours d’installation à la date de la visite, constituera une réelle avancée (cf. § 4.2.1.4 – c).
La présence quasi permanente d’un psychiatre, en journée, et celle d’un médecin généraliste, qui partage son activité entre l’UFHC et les unités infanto-juvénile, constituent un point fort de l’unité fermée d’hospitalisation et de crise (cf. § 4.2.1.4 – d).
L’unité Elan’Go pour adolescents, de construction récente, est d’une conception architecturale intéressante. Les soins prennent leur place dans un cadre structurant où la place des familles est individualisée et réfléchie. La flexibilité des soignants, ayant notamment permis d’organiser une sorties en lien avec l’actualité, est à souligner (cf. § 4.2.6).
Le placement à l’isolement est principalement effectué à l’unité fermée d’hospitalisation et de crise qui bénéficie de trois des cinq chambres d’isolement du centre hospitalier. Un registre y a été mis en place, ce qui est suffisamment rare pour être signalé ; cette mesure pourrait être élargie aux deux autres unités disposant d’une telle installation.
3/ Certaines situations nécessiteraient cependant des améliorations.
Il est particulièrement regrettable que les avocats soient absents lors des audiences du juge des libertés et de la détention qui se tiennent dans une salle aménagée du centre hospitalier de Leyme et que le barreau n’ait rien organisé. La distance entre le chef-lieu du département et l’hôpital ne justifie pas cette carence. Les patients comparaissent ainsi sans l’assistance pourtant prévue par la loi (cf. § 3.10.2).
La désignation et le rôle de la personne de confiance ne répondent pas de façon satisfaisante au concept. En effet, comme dans tous les établissements de soins psychiatriques visités par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, il est expliqué que les patients, en particulier les plus âgés (comme à l’unité de géronto-psychiatrie), sont souvent dans l’incapacité de la désigner. Cela signifie que le patient a dès lors besoin des services d’une personne de confiance puisque celle-ci est sensée être consultée dès lors que le patient n’est pas en mesure de s’exprimer. La recherche d’une personne de confiance devrait donc être systématique (cf. § 4.2.5.2 et 4.2.5.2).
Un protocole a été mis en place avec les services de l’Etat (justice, santé, forces de l’ordre, préfecture) afin de définir le rôle de chacun des acteurs pour éviter de confier à la gendarmerie nationale la prise en charge d’un patient en crise aiguë sur la voie publique jusqu’à son retour dans le centre hospitalier. Ce protocole, prévu pour être expérimental pendant six mois est toujours en application ; certaines de ses modalités méritent d’être précisées, comme cela apparaissait dans le texte (§ 3.7.3).
Des préservatifs, disponibles à la pharmacie des unités, sont donnés aux patients s’ils le demandent mais ces derniers ne sont pas informés de cette possibilité (cf. § 4.2.2.1-a, § 4.2.2.3.a, § 4.2.4.4.a). Par ailleurs, le seul distributeur de préservatifs, installé à l’entrée de la cafétéria, n’est plus approvisionné depuis plusieurs années (§ 4.1.5.1). Une information relative à la possibilité d’obtenir des préservatifs à la pharmacie, voire à leur mise à disposition dans un lieu à l’abri du regard, paraît souhaitable.
Le nombre des activités mises en place dans ce centre hospitalier devrait être augmenté. En effet, cet établissement ne dispose ni de bibliothèque ni d’atelier d’ergothérapie et le stock de livres existant dans les unités n’est pas renouvelé (cf. § 4.5.1.2 à 4.5.1.3).
A l’unité de soins prolongés, où se trouvent des patients atteints de pathologies lourdes et en besoin de repères, le recrutement d’un psychiatre, en mars 2015, après une longue période d’instabilité, est un point positif. Il conviendrait également d’initier à nouveau des séances d’analyse des pratiques. Cependant, au moment de la visite, moins de la moitié des patients bénéficiaient d’activités ; cela peut certes s’expliquer par leurs pathologies, mais l’intention du personnel soignant d’en organiser un plus grand nombre doit être d’autant plus soutenue (cf. § 4.2.3).
L’unité d’hospitalisation de réinsertion, dite « R2 », est installée dans des locaux anciens et mal adaptés, avec des chambres ne disposant pas de salle d’eau attenante et quelques-unes accueillant encore deux lits, alors que tel n’est plus le cas dans les autres unités du centre hospitalier. La réflexion engagée sur le devenir de cette structure mériterait de déboucher rapidement sur une solution alternative (cf. § 4.2.4-a).
L’unité d’hospitalisation de réinsertion était confrontée à des difficultés en raison des trop faibles temps de présence du psychiatre et de la cadre de santé. Ainsi, des autorisations de sorties n’étaient parfois pas délivrées, faute de psychiatre. Il est cependant pris acte des dispositions adoptées depuis (cf. § 4.2.4-d).
A l’unité Elan’Go (pour adolescents), malgré le bon suivi des projets scolaires individuels à l’extérieur, une réflexion plus importante devrait avoir lieu pour que les jeunes passant parfois plusieurs mois au sein de l’unité puissent poursuivre leur scolarité (cf. § 4.2.6).