Dans le cadre de l’examen au Sénat du projet de loi renforçant la lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, a été voté un amendement gouvernemental modifiant le régime des fouilles des personnes détenues.
Depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui a modifié le régime des fouilles dans l’objectif d’atteindre un juste équilibre entre la sécurité des établissements et le respect de la dignité des personnes détenues, une décision de soumettre une personne à une fouille intégrale doit être individualisée, c’est-à-dire fondée sur le risque effectif que le comportement de la personne fait courir à la sécurité ou au bon ordre. Cette décision doit également être adaptée à la personnalité de la personne fouillée au regard de son profil pénal et pénitentiaire.
L’amendement prévoit la possibilité de recourir aux fouilles intégrales « dans des lieux et pour une période de temps déterminés, indépendamment de la personnalité des détenus », « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’introduction au sein de l’établissement pénitentiaire d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens ». Une décision de fouille pourrait dès lors s’appliquer à une personne sur le fondement exclusif du lieu dans lequel elle se trouve.
La Contrôleure générale a souhaité, dans une lettre adressée aux membres de la commission mixte paritaire en charge de l’examen de ce projet de loi, faire part de ses constats sur le recours aux fouilles dans les établissements pénitentiaires et alerter sur la teneur de cet amendement, constitutif d’une régression importante de notre droit au regard du respect des droits fondamentaux des personnes détenues.
Le contrôle général constate, lors de ses visites d’établissements et dans les courriers qu’il reçoit, que le recours aux fouilles intégrales demeure très répandu et que les dispositions légales sont appliquées de façon très inégale. Ainsi des fouilles systématiques sont toujours réalisées lors de nombreux événements : transferts, extractions médicales et judiciaires, retour de permission de sortir, fouilles de cellule, placements au quartier disciplinaire. S’agissant des parloirs, un régime exorbitant de fouilles fréquentes, voire systématiques, est appliqué dans de nombreux établissements à une proportion très importante de la population pénale.
La mise en œuvre de la loi pénitentiaire est à l’heure actuelle disparate et insuffisamment protectrice du respect de la dignité des personnes privées de liberté. La modification du régime des fouilles prévue dans le projet de loi vient élargir de façon considérable et disproportionnée la possibilité de procéder à des fouilles intégrales, alors même que le recours aux fouilles est d’ores et déjà pratiqué de façon extensive.
Cette évolution du droit serait justifiée, selon le Gouvernement, par la nécessité de disposer d’un outil de gestion collective de la population pénale, notamment dans les maisons d’arrêt où, du fait de la surpopulation, l’administration pénitentiaire n’est pas en mesure de mettre en œuvre l’individualisation des fouilles. Comme le rappelle régulièrement la Contrôleure générale, la surpopulation carcérale a des effets dramatiques sur les droits fondamentaux des personnes privées de liberté ; arguer de cette situation pour justifier l’adoption de dispositions attentatoires à la dignité des personnes détenues apparaît inadmissible.
En tout état de cause, aucune donnée significative ne permet de démontrer que l’instauration par la loi pénitentiaire d’un cadre restrictif de recours aux fouilles a eu pour conséquence d’augmenter l’introduction d’objets interdits en détention. Et une multiplication des possibilités de fouilles ne peut constituer le seul moyen de lutte contre la présence de téléphones portables, d’armes et de drogue en détention. D’autres solutions doivent être envisagées afin de concilier la sécurité au sein de l’établissement et le respect de la dignité des personnes détenues.
Ce projet de loi comporte en outre d’autres dispositions susceptibles de porter gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, telle l’introduction d’un nouveau régime de rétention de sûreté pour les personnes condamnées pour des actes terroristes. Le contrôle général, qui s’est clairement exprimé pour la suppression du dispositif existant dans un avis du 5 octobre 2015, ne peut qu’être défavorable à son extension.
Lire la lettre adressée par la Contrôleure générale aux membres de la commission mixte paritaire