La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes a autorisé les députés et sénateurs à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires. Ce droit a été accordé aux parlementaires européens élus en France par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
La loi du 17 avril 2015 élargit ce droit de visite aux centres éducatifs fermés et permet désormais que les parlementaires soient accompagnés par des journalistes lors de leurs visites, à l’exception de celles concernant des locaux de garde à vue (article 719 du code de procédure pénale). La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté s’est félicitée de cette ouverture dans un entretien accordé au Journal du dimanche.
Propos recueillis par Anne-Charlotte Dusseaulx │ Lire l’entretien sur le site internet du Journal du dimanche.
Le Parlement a voté la possibilité pour les journalistes d’accompagner les parlementaires en prison. Qu’en pensez-vous?
C’est très important. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) le réclamait depuis longtemps. Un nouveau regard va pouvoir être effectué sur le milieu carcéral. C’est important que des journalistes puissent venir voir les lieux de privation de liberté. La question de la prison est dans le débat public. A partir de ce moment-là, il faut que la presse puisse entrer en prison sous certaines conditions, ici en accompagnant les parlementaires.
Reste encore à en connaître les modalités précises. Que souhaitez-vous?
Il faut bien sûr que cela soit encadré, mais que les modalités soient larges. Que cela ne soit pas simplement une visite au pas de charge, qui ne permettrait pas de se rendre compte de ce que sont ces lieux de privation. Après, l’intimité et des droits des personnes détenues doivent être respectés. Il ne faudrait pas que chaque directeur décide de la façon dont cela se passe. J’espère que le décret précisera un certain nombre de choses. S’il n’y a pas de règles valables pour l’ensemble des établissements, cela pourrait être compliqué.
Savez-vous quand le décret sera signé?
Nous ne le savons absolument pas. J’appelle à ce que ce décret sorte vite. Cette mesure est attendue depuis suffisamment de temps. On a déjà vu des lois importantes dont les décrets ont été signés plusieurs années après…
Depuis 2000, les parlementaires disposent d’un droit à visiter les établissements pénitentiaires, même à l’improviste. Quel est leur rôle?
De manière générale, leur rôle est de représenter les élus de leur circonscription. En leur nom, il est donc normal qu’un parlementaire puisse visiter les établissements, d’abord de leur ressort. Cela fait partie de la vie de la cité de savoir comment fonctionne l’établissement de sa circonscription. Mon seul regret est de constater que finalement peu d’élus se saisissent de ce droit. Je ne l’explique pas. C’est regrettable, car c’est très important. Cela fait pour moi clairement partie de leur mission. Les parlementaires vont désormais avoir des demandes de la part des journalistes. La presse va même peut-être susciter des visites!
A plusieurs reprises, la France a été condamnée pour les conditions carcérales de ses prisons…
Il n’est pas acceptable d’avoir une surpopulation carcérale qui frôle parfois les 200% dans certains établissements. La France n’a d’ailleurs pas été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme sur la question même de la surpopulation, mais elle pourrait tout à fait l’être. On est vraiment dans les conditions indignes que prévoit l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (« Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », Ndlr).
Cela signifie-t-il que la question carcérale est mise de côté par les responsables politiques de tous bords?
Des efforts sont faits depuis un certain nombre d’années. Mais on part de très loin et ils ne sont pas encore satisfaisants. Cela fait aussi écho à la question du budget du ministère de la Justice qui, pour le moment, est sacralisé – il n’a pas baissé contrairement à d’autres -, mais qui est encore largement insuffisant.
Dans son rapport de 2008, le Contrôleur parlait d’un « oubli social » des détenus. « Qui s’intéresse vraiment au sort de 63.000 personnes en détention », s’interrogeait-il alors. Pourriez-vous écrire la même chose aujourd’hui?
Je pense que la question est dans le débat public. Simplement on ne s’y intéresse pas de la bonne façon. Ma mission est de vérifier que l’équilibre entre un impératif de sécurité et le respect des droits fondamentaux existe, et que le curseur est au bon endroit. Malheureusement, je constate que le curseur penche trop souvent du côté de la sécurité au détriment du respect des droits.