Au Journal officiel du 5 novembre 2015, le contrôleur général a publié un avis relatif à la rétention de sûreté.
Cet avis a été transmis à la ministre de la justice, ainsi qu’à la ministre des affaires sociales et de la santé, auxquelles un délai d’un mois a été donné pour répondre. Au jour de la publication de cet avis, aucune réponse n’était parvenue au CGLPL.
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Dans un précédent avis du 6 février 2014 relatif à la mise en œuvre de la rétention de sûreté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté recommandait des éclaircissements sur la nature du régime applicable à cette mesure et un enrichissement de la prise en charge des personnes placées au centre socio-médico-judiciaire de sûreté (CSMJS) de Fresnes. Il appelait également à une réflexion sur le bien-fondé d’une privation de liberté appliquée aux personnes ayant méconnu les obligations d’une surveillance de sûreté au regard des principes de la loi pénale.
L’absence d’évolution, une seconde visite du CSMJS en octobre 2014 (lire le rapport de visite) ainsi que l’étude et le suivi des dossiers individuels des personnes y ayant été placées justifient que le Contrôleur général, à qui il appartient de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, questionne ce dispositif, tant au regard de ses modalités de mise en œuvre qu’en ce qui concerne le fondement même de cette mesure.
Concernant la prise en charge des personnes placées au CSMJS, le contrôle général constate que l’inactivité est totale du fait de la situation d’isolement de facto des personnes retenues ainsi que de l’absence de projet spécifique en matière éducative, professionnelle ou socioculturelle. Le fonctionnement du CSMJS diffère peu de celui appliqué aux personnes détenues en établissement pénitentiaire. Enfin, le suivi médico-psychologique est de fait inexistant.
Le contrôle général a pu étudier les situations individuelles des cinq personnes placées au CSMJS depuis la promulgation de la loi du 25 février 2008. Il constate que, pour chacune d’entre elles, le placement en rétention de sûreté a été utilisé comme sanction d’un non respect des obligations imposées au condamné dans le cadre de sa surveillance de sûreté, sans que leur dangerosité ne soit démontrée.
La possibilité offerte par la loi de maintenir indéfiniment une personne enfermée au motif qu’elle présenterait une probabilité très élevée de récidive, associée à un trouble grave de la personnalité, constitue une conception nouvelle du droit de la peine, qui supprime le lien objectif entre culpabilité et responsabilité, entre infraction et sanction, au profit de la notion de dangerosité. Outre son caractère subjectif, le concept de dangerosité potentielle doit être considéré comme contraire aux principes fondamentaux du droit pénal français, en particulier ceux de légalité des délits et des peines et de proportionnalité de la réponse pénale.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté recommande que le dispositif de rétention de sûreté soit supprimé.