Au Journal officiel du 16 juillet 2015, le Contrôleur général a publié un avis relatif à la prise en charge des personnes détenues au sein des établissements de santé. La ministre de la justice ainsi que la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et le ministre de l’intérieur ont été destinataires de cet avis et ont apporté leurs observations, également publiées au Journal Officiel.
Lire les observations du ministère de l’intérieur, reçues postérieurement à la publication de l’avis
Les patients détenus disposent des mêmes droits d’accès aux soins que tous les autres sous réserve des restrictions liées à la privation de liberté d’aller et venir dont ils font l’objet. Cette question est d’autant plus importante en milieu carcéral qu’elle se pose d’une manière spécifique, entre une légitime préoccupation de sécurité et l’indispensable respect des droits fondamentaux, dont fait partie intégrante celui du droit à l’accès aux soins.
Malgré les nombreuses recommandations émises par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sur la question des soins dispensés aux personnes détenues au sein des établissements de santé de proximité, des difficultés persistent quant aux droits fondamentaux des personnes détenues.
Le recours aux extractions médicales
De trop nombreuses extractions médicales sont rendues nécessaires du fait du faible nombre de spécialistes intervenant en détention. Le CGLPL préconise un renforcement de la présence de spécialistes au sein des unités sanitaires mais aussi qu’une réflexion soit menée afin que les personnes détenues remplissant les conditions légales bénéficient de permissions de sortir pour se rendre seules dans un établissement de santé.
La télémédecine en milieu carcéral est un dispositif de nature à permettre un accès rapide et de qualité aux médecins spécialistes. Le contrôle général s’est particulièrement intéressé à l’expérience pionnière menée à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy depuis 2013. S’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de son usage sur une diminution du recours aux extractions médicales, le contrôle général demeure attentif aux évolutions de la télémédecine en milieu pénitentiaire.
Les modalités des extractions médicales ne sont pas satisfaisantes. L’évaluation du niveau de sécurité à mettre en œuvre lors d’une extraction médicale doit être individualisée. Or le CGLPL constate que, pour une grande partie d’entre-elles, les personnes détenues sont menottées et entravées lors du transfert mais aussi durant les consultations et examens médicaux, voire parfois même pendant les interventions chirurgicales. Le CGLPL recommande à nouveau que les moyens de contrainte imposés aux personnes soient strictement proportionnés au risque présenté par ces dernières.
La nécessaire préservation du secret médical
Le respect du secret médical est un droit pour le patient et un devoir absolu pour le médecin. La présence des personnels de l’escorte lors des consultations ou examens médicaux ne permet pas d’assurer ce droit. Le CGLPL recommande que les consultations médicales se déroulent hors la présence d’une escorte et que la surveillance soit indirecte (hors de vue et d’oreille du patient détenu)
Une prise en charge insatisfaisante dans les établissements de santé
Le CGLPL rappelle la nécessité de prévoir des procédures d’accueil et des lieux spécifiques dans les établissements de santé afin de ne pas exposer les personnes détenues sous escorte à la vue du public regroupé dans les salles d’attente et de mettre fin chez les professionnels de santé à un sentiment d’insécurité justifiant des demandes de surveillance constante, incompatibles avec le respect du secret médical.
Pour préserver la qualité des soins, la sécurité des personnels et la dignité des personnes détenues, il importe d’implanter les chambres sécurisées dans un service où l’équipe soignante est volontaire et préparée à l’accueil, afin d’assurer aux personnes détenues les soins de courte durée. L’adhésion du personnel est indispensable, tant en ce qui concerne les conditions de travail que la qualité de la prise en charge des personnes détenues.
L’aménagement et l’équipement des chambres sécurisées répondent trop souvent à des seuls critères de sécurité et ressemblent alors davantage à un lieu de détention qu’à un lieu de soins. Dans certains établissements, la configuration des locaux sanitaires ne permet pas le respect de l’intimité des patients (absence de rideau isolant les sanitaires du reste de la chambre).
Des conditions d’hospitalisation plus restrictives des droits que les conditions de détention
De nombreuses personnes détenues renoncent aux soins en raison des conditions d’hospitalisation dans les chambres sécurisées. La personne détenue admise dans une chambre sécurisée demeure un patient et doit donc bénéficier à la fois des droits garantis aux personnes détenues et de ceux octroyés aux patients.
Des informations sur les conditions matérielles d’hospitalisation doivent être délivrées au patient détenu, en amont de son hospitalisation (liste des effets personnels autorisés et interdits), et à son arrivée dans l’établissement de santé (livret d’accueil relatif aux modalités d’hospitalisation dans les chambres sécurisées ainsi qu’aux droits afférents). La rédaction d’un règlement intérieur spécifique aux chambres sécurisées s’impose.
Le droit fondamental au maintien des liens familiaux n’est pas respecté. L’accès au téléphone n’est pas effectif (absence de poste dans les chambres sécurisées et impossibilité de contrôler les conversations). Les patients détenus ne peuvent pas recevoir les visites de leurs proches et de leur conseil, quelque soit leur statut pénal et même si ces visiteurs sont titulaires de permis de visite. La grande majorité des établissements n’offre pas la possibilité de recevoir ou d’envoyer du courrier. Les visites, les correspondances et les appels téléphoniques doivent être autorisés selon les mêmes règles que celles applicables au sein des établissements pénitentiaires.
Dans la quasi-totalité des chambres sécurisées les patients détenus ne bénéficient d’aucune activité (pas de poste de télévision, de radio, de livres ou de journaux). Ils ne disposent pas non plus d’un espace extérieur permettant de s’aérer et, le cas échéant de fumer. Un téléviseur devrait être installé et des journaux devraient être mis à disposition.