Au Journal officiel du 30 juin 2015, le Contrôleur général a publié un avis relatif à la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral. Cet avis a été transmis au Premier ministre, à la ministre de la justice ainsi qu’au ministre de l’intérieur auxquels un délai de deux semaines a été donné pour formuler des observations.
Le Gouvernement a souhaité apporter ses observations en une réponse unique, adressée par la ministre de la justice au CGLPL, également publiée au Journal Officiel.
Lire l’avis et les observations du ministère de la justice faites pour le Gouvernement
Afin d’étudier la question de la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral, le contrôle général s’est rendu aux centres pénitentiaires de Fresnes et Réau, ainsi qu’aux maisons d’arrêt d’Osny et Bois-d’Arcy. De nombreux échanges ont également eu lieu avec l’ensemble des acteurs concernés. Ces constats et entretiens ont donné lieu à la rédaction d’un rapport d’enquête, également transmis aux ministres.
L’avis en résumé :
- Après avoir étudié le phénomène de radicalisation islamiste en milieu carcéral et analysé les expériences récentes mises en place dans certains établissements pénitentiaires, le CGLPL a examiné le dispositif de regroupement dans des quartiers dédiés tel qu’annoncé par les pouvoirs publics en janvier 2015. Il n’y est pas favorable.
- Le phénomène de radicalisation est ancien et n’a pas suffisamment été pris en compte par les pouvoirs publics, à la différence de ce qui se passe dans d’autres pays européens depuis plusieurs années.
- La surpopulation carcérale – que les autorités n’ont pas su endiguer – nourrit le prosélytisme et favorise l’emprise de personnes détenues radicalisées sur les plus fragiles.
- Le regroupement de détenus radicalisés dans des quartiers dédiés, annoncé par le Premier ministre en janvier 2015, présente des risques qui ne paraissent pas avoir été pris en compte, notamment la cohabitation de personnes détenues présentant des niveaux d’ancrage très disparates dans le processus de radicalisation. Les difficultés d’identification des personnes visées ne sont pas résolues, malgré une réévaluation des outils engagée récemment par l’administration pénitentiaire.
- On ignore à ce jour quelles seront les modalités de prise en charge des personnes détenues concernées, et l’impact sur leur statut dans un quartier séparé du reste de la détention. En effet, leur regroupement au sein de quartiers dédiés ne relève d’aucune disposition légale existante, ce régime sui generis ne s’apparentant ni à la détention ordinaire, ni à la mise à l’isolement.
- La décision de regroupement, prise de façon discrétionnaire par la direction de l’établissement, n’est susceptible d’aucune des voies de recours habituelles. Or, elle peut faire grief si elle restreint les droits fondamentaux et détériore les conditions de détention. L’absence d’informations précises sur les modalités d’encadrement et les conditions de détention dans ces nouveaux quartiers laisse craindre un éventuel glissement de ce régime vers un isolement de facto de ces personnes.
- En ce qui concerne les programmes dits de déradicalisation, ils s’appuient sur le volontariat des personnes concernées donc ne portent pas en eux-mêmes une atteinte aux droits fondamentaux. Mais une évaluation continue de leur déroulement sera nécessaire. D’ores et déjà, il convient de veiller à ce que les fonds alloués à ces programmes ne le soient pas au détriment des actions de réinsertion en direction d’autres personnes détenues et n’obèrent pas la prise en charge de l’ensemble de la population pénale.
- Enfin, une réflexion doit être engagée par les pouvoirs publics sur la nature de la prise en charge des jeunes de retour des zones de conflit, étant observé que l’incarcération ne peut pas être le mode de traitement indifférencié d’un phénomène qui touche désormais plusieurs centaines de personnes au degré d’engagement très disparate.