Au journal officiel du 13 juin 2012, le contrôle général a publié un avis relatif au nombre de personnes détenues.
Au 1er mai 2012 en France, ce sont près de 80 000 personnes qui sont écrouées dont plus de 67 000 détenues pour un peu plus de 57 000 places. Si le surpeuplement de nos prisons est chronique, la croissance rapide du nombre de personnes détenues ces derniers mois inquiète.
La surpopulation ne constitue pas, en soi, une atteinte aux droits fondamentaux des personnes détenues, mais ses conséquences en constituent une, c’est pourquoi le CGLPL a décidé de publier cet avis. Effectivement, la surpopulation a des retentissements sur les conditions d’existence des personnes détenues et de travail des personnels, de même qu’elle provoque des ruptures, tant dans la vie personnelle des personnes incarcérées que dans la vie collective des établissements.
Le contexte :
Un état de fait est à poser :
- une ligne de conduite sécuritaire fait encourir aujourd’hui des peines de prison à raison de faits qui, hier, ne menaient pas jusqu’à la détention ;
- le développement législatif ces dernières années de procédures de jugement plus rapides et de mesures de « peines planchers » favorise l’accroissement de l’incarcération ;
- la volonté politique des derniers mois de procéder plus rapidement à l’exécution des courtes peines prononcées jusqu’alors inégalement suivies d’effet.
Les conséquences de cet état de fait :
- au-delà des matelas par terre voire du doublement de cellules individuelles ou du triplement de cellules doubles, la surpopulation aggrave naturellement la promiscuité et les risques de conflit dans les cellules ;
- elle renforce l’inaction par un accès moins aisé au travail ou aux activités ;
- elle réduit les possibilités de dialogue et de prise en charge par les agents pénitentiaires et la faculté d’avoir des relations (téléphone, parloirs) à l’extérieur ;
- elle diminue l’efficacité des efforts de réinsertion ;
- elle détériore les conditions du travail du personnel, que traduit le vif sentiment de délaissement actuel, d’autant plus que les effectifs sont calculés en fonction d’un nombre de détenus conformes au nombre de places.
Les solutions qui n’en sont pas :
- réussir à identifier la « dangerosité » potentielle de chaque personne détenue pour déterminer à l’avance son comportement et personnaliser ainsi la sanction pénale. C’est une illusion ;
- construire de nouvelles places de prison. C’est à terme augmenter le nombre de prisonniers ;
- instaurer un numerus clausus. Ce n’est qu’un élément de contexte que les magistrats, dans le ressort de leur tribunal, peuvent prendre en considération mais il ne constitue pas, en soi, une solution satisfaisante.
Ce que dit le CGLPL :
Il n’existe pas une solution unique à cet état de fait, mais la solution se dégagera d’un ensemble de réflexions et de mesures à mener conjointement, à court et à long terme :
- la première des préoccupations porte sur l’efficience de l’emprisonnement. Il faut toujours se poser la question essentielle de l’adaptation au plus juste de la forme de la peine à l’infraction commise ;
- la deuxième porte sur le fonctionnement de nos juridictions pénales. Il faut commencer par réfléchir à la mise en œuvre d’un accès facilité à la justice des plus modestes, en poursuivant par une réflexion sur le temps des magistrats, tant dans l’instruction des affaires que dans celui qui leur est laissé pour aller voir ce qu’est la réalité de la prison, avant de recourir à la détention provisoire ;
- la troisième porte sur les peines planchers à remettre en question. Il faut revoir le caractère quasi automatique du prononcé de certaines peines pour certaines infractions ;
- la quatrième porte sur la révision de la politique d’aménagement de peines. Il faut cesser de recourir systématiquement à la surveillance électronique comme unique moyen de réguler les effectifs de détention. Des efforts doivent au contraire porter sur le placement extérieur ou la semi liberté mais aussi sur un réexamen de la suspension de peine pour motif médical ou encore les modalités du contrôle judiciaire et du travail d’intérêt général, voire inventer d’autres formes de sanctions pénales.
Enfin, si le CGLPL reconnaît que l’application des jugements ne doit souffrir aucune exception, encore faut-il qu’elle intervienne dans un délai raisonnable pour ne pas dévaster a posteriori la vie de celui qui, condamné à une très courte peine non exécutée, a réussi à reprendre une activité professionnelle et des relations sociales.
- Le CGLPL propose donc au Parlement, uniquement pour les très courtes peines non exécutées prononcées avant 2012, de réfléchir à une loi d’amnistie spécifique ou, à tout le moins, une exécution de peine sous la forme d’une alternative à l’incarcération ;
- et de manière générale, s’il est souhaitable que l’amnistie perde son caractère circonstanciel contraint, elle ne constitue pour autant pas une incongruité juridique ni une étrangeté démocratique ; il serait donc dommageable qu’elle disparaisse de l’horizon législatif national. Au Parlement d’en définir l’opportunité et les contours ; la justification, elle, n’en est pas discutable.