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Rapport de visite du centre psychothérapique de l’Orne à Alençon (Orne)

Rapport de visite du centre psychothérapique de l’Orne à Alençon (Orne)

Le rapport de visite a été communiqué, conformément à la loi du 30 octobre 2007, au ministère de la santé auquel un délai de huit semaines a été fixé pour produire ses observations. A la date de publication de ce rapport, aucune observation n’a été produite.

Suivi des recommandations à 3 ans – Centre psychothérapique de l’Orne à Alençon (2e visite)

 

Synthèse

Six contrôleurs ont effectué une visite du centre psychothérapeutique de l’Orne (61) du 9 au 13 mai 2016.

Un rapport de constat a été adressé au directeur du centre hospitalier pour recueillir ses observations. Le présent rapport prend en considérations ses observations ; il fait également état des bonnes pratiques et des recommandations adressées à cet établissement.

 

Le département de l’Orne, qui compte 290 000 habitants[1], est rural. Sa densité de population est en dessous de la moyenne nationale, les zones les plus densément peuplées sont autour des trois villes moyennes dépassant les 10 000 habitants, Alençon, Flers, et Argentan. La population est stable et vieillissante, pour ce territoire qui est le bassin le plus petit de la région Normandie. Ce dernier rencontre une problématique importante d’attractivité et se caractérise par une faible densité de médecins libéraux à la fois psychiatres mais aussi généralistes ; l’offre médicale privée est quasiment absente. Le temps de déplacement entre les bassins de vie éloignés est une problématique à prendre en compte pour les patients, leurs familles et les soignants.

Le département est découpé en quatre secteurs de psychiatrie générale (secteurs G01, G02, G03, G04) et deux secteurs de psychiatrie infanto-juvénile. Outre le centre psychothérapique de l’Orne (CPO), établissement de référence de son territoire, le département compte à l’Ouest le CH de Flers en charge du 4éme pôle de psychiatrie du département qui n’est plus rattaché au CPO depuis 1990. Le secteur de L’Aigle (G04), distant de 60 km, a été détaché du site du CPO en 1975 et y a été ensuite rattaché le 1er janvier 2009.

Le CPO assure la prise en charge en santé mentale autour de cinq pôles composés de trois secteurs adultes et des deux inter-secteurs de pédopsychiatrie réunis en un seul pôle. Au total, ce sont 180 000 adultes qui sont desservis actuellement par les trois secteurs adultes du CPO et près de 70 000 enfants, soit environ 86 % de la population de l’Orne.

Le centre hospitalier dispose de 147 lits d’hospitalisation complète, répartis sur deux sites, 94 places d’hôpitaux de jour, des places en familles d’accueil, 30 places de maison d’accueil spécialisée. Les prises en charge en soins sans consentement sont en augmentation (539 en 2015 pour 398 en 2014). La majorité des admissions en soins sans consentement se fait par le passage en service des urgences (75%), en raison des conditions d’accessibilité aux soins de premiers recours notamment pour les patients présentant des troubles psychiatriques.

Le CPO est implanté en plein centre-ville et à 1,6 km de la gare SNCF sur terrain rectangulaire d’une emprise de 12 hectares et entouré d’un mur d’enceinte d’une hauteur d’environ 2 mètres. Des espaces verts nombreux au sein de l’établissement sont parfaitement entretenus et rendent le parc agréable à parcourir.

Dès 2010, dans le cadre de la refonte du projet d’établissement, a été entreprise une restructuration du patrimoine immobilier du site principal d’Alençon. Un phasage de travaux a été projeté sur 13 ans (2013 à 2026). Pendant le contrôle, plusieurs bâtiments étaient en cours de restructuration pour permettre une mise en conformité par rapport à l’orientation de prise en charge décidé par le projet médico-soignant « 2014-2018 ». Ce dernier a été élaboré au regard des orientations nationales et régionales, et travaillé en concertation avec l’ensemble du personnel ; il a pour objectif principal de faire évoluer l’hospitalisation du site d’Alençon d’un modèle d’organisation par secteur – sans synergie de compétences, ni de moyens – à un modèle intégré a une prise en charge plus large en intra et extra hospitalier. Une réorganisation des unités d’hospitalisation G01 et G02 du site d’Alençon propose une prise en charge homogène, quel que soit le secteur géographique d’origine du patient, des différents types de soins proposés et regroupe ainsi l’unité d’entrée, les unités de suite et l’unité de patients au long cours.

Ce travail de réorganisation de l’architecture de la psychiatrie, mené avec l’accompagnement d’un cabinet de conseil en matière de politiques de santé, s’est déroulé dans un climat de défiance et d’opposition, ravivées par le projet de GHT dans lequel l’établissement doit désormais s’investir.

Pour pallier l’isolement géographique et combler les vacances en psychiatrie liées à des départs à la retraite et d’autres faisant suite à la réorganisation, le recrutement de sept psychiatres étrangers a été confié à un cabinet spécialisé. Les collaborations médicales tentent donc de se mettre en place au sein d’une institution qui a connu des fonctionnements longtemps figés. L’homogénéisation des pratiques au sein des pôles mérite encore d’être travaillée pour offrir aux patients une offre de soins équivalente. Ces derniers font face à des restrictions de leurs droits, variables d’une unité à l’autre et ne reposant sur aucun fondement médical (liberté d’aller et venir librement, utilisation du téléphone, l’accès à l’informatique, gestion de l’argent…). Des règles de vie doivent être élaborées pour l’ensemble des unités, faire l’objet d’une remise à chaque patient et être affichées. Les conditions d’hébergement et de vie sont globalement correctes (hygiène, alimentation) même si elles pourraient connaitre des améliorations notamment par la mise en place de lieu de convivialité ou de placards à clef en libre accès dans les chambres. Néanmoins, en ce qui concerne les mineurs, il est apparu que l’unité dans laquelle ils sont accueillis n’est pas adaptée et contribue à renforcer leur enfermement.

L’information des patients sur leurs droits a paru insuffisante. Elle se limite à l’information relative à la tenue d’une audience et au contrôle par le JLD de la mesure d’hospitalisation. Le règlement intérieur du centre psychothérapique de l’Orne n’a pas été actualisé depuis avril 2010, omettant de ce fait la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge et la loi du 27 septembre 2013 en modifiant certaines dispositions. Lors de la visite des contrôleurs, aucune réflexion n’était engagée sur sa mise à jour.

Peu de patients refusent de se présenter devant le juge des libertés et de la détention ; mais depuis que les audiences se tiennent dans l’enceinte du CPO, les patients détenus ne sont plus présentés devant le JLD, un certificat déclarant leur état incompatible avec une audition par le juge étant quasi-systématiquement délivré, alors même que ces personnes peuvent être renvoyées rapidement, parfois dès le lendemain de l’audience, au centre pénitentiaire.

Les professionnels ne semblent pas recourir excessivement aux pratiques d’isolement et de contention. Mais en l’absence de registre il n’a pas été possible de vérifier précisément ces pratiques et le logiciel CARIATIDES ne permet d’éditer qu’une partie des informations nécessaire à la tenue du registre prévu par l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique. Le recueil doit être élargi à toutes les situations de contention et faire l’objet d’une analyse sur les pratiques d’isolement et de contention de chaque unité.

La procédure relative à la mise sous contention doit être finalisée et diffusée au sein des équipes. Elle doit couvrir toutes les situations quel que soit le lieu d’isolement : chambre d’isolement, chambre d’apaisement, fermeture de la chambre du patient et viser à faire respecter le renouvellement de la prescription toutes les 24 heures ainsi que la surveillance infirmière soutenue. Les prescriptions « si besoin » doivent être proscrites.

Quant aux chambres d’isolement, elles sont peu équipées et l’absence de sanitaires, remplacés parfois par un seau, les rend indignes.

Il convient de souligner que les associations des familles sont très impliquées dans la vie institutionnelle et que les subventions allouées aux associations locales permettent de financer des projets dynamiques et variés, en faveur des patients qui peuvent notamment bénéficier d’avances, grâce à un fond de solidarité.

Si la CDSP n’assure pas actuellement son rôle de surveillance, dans l’attente d’une nouvelle présidence, l’établissement bénéficie d’un comité d’éthique très actif dont les travaux permettent de travailler sur des sujets fondamentaux.

[1] Source : INSEE 2012.