Rapport de visite du centre hospitalier départemental Georges Daumézon à Fleury-les-Aubrais (Loiret)
Synthèse
Le centre hospitalier départemental Georges Daumézon (CHD), a été créé en 1913, avec pour objectif d’œuvrer à l’abandon de la conception asilaire de la psychiatrie, à la restauration de la dignité des malades et à l’ouverture de l’hôpital vers la ville. Situé dans un cadre boisé de 40 hectares, à Fleury-les-Aubrais, à 5 kilomètres d’Orléans, il a été conçu avec l’idée de donner le plus de liberté possible aux 1 040 patients qu’il pouvait accueillir au sein d’un village, totalement autonome, de quatre-vingts bâtisses.
Aujourd’hui le cadre de vie des patients reste très agréable, mais ces bâtiments constituent une charge importante pour l’établissement, de nombreux locaux sont abandonnés à défaut de restaurations qui seraient trop coûteuses, et les patients sont accueillis dans des conditions très inégales de confort, selon qu’ils sont hébergés dans les bâtiments d’origine avec des chambres sans toilettes ni douche ou dans des locaux plus récents.
Toutes les unités de soins à temps complet sont installées sur le site principal sauf le centre d‘addictologie (centre de sevrage et de cure) et la résidence thérapeutique (insertion et réhabilitation) M. Pariente. Le site accueille aussi un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de soixante lits et un centre psychiatrique d’accueil d’urgence (CPAU), sans hébergement de patients.
Le CHD dispose de 259 lits et assure la prise en charge des patients majeurs du Nord du département, les secteurs I01 et I02. Le pôle infanto-juvénile est en charge de deux intersecteurs recouvrant les deux-tiers Nord-Est du département du Loiret.
L’établissement a procédé à une importante refonte de son projet, organisé autour de quatre pôles cliniques :
- deux pôles de psychiatrie générale : Sud-Ouest (dont Corbaz B, unité d’hospitalisation fermée et Corbaz A, unité ouverte), et Nord-Est dont quatre unités avec trois dites « d’accueil et de crise » : deux unités fermée, Chaslin et Mezie et une unité ouverte, Féré, ainsi qu’une unité dite « d’insertion », Seglas ;
- un pôle infanto-juvénile ;
- une filière complète de soins aux détenus : le service médico-psychologique régional (SMPR), l’hospitalisation de jour rattaché au Centre Pénitentiaire Orléans-Saran et l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA).
Dans une volonté d’ouverture vers l’extérieur et de réduction au strict nécessaire des hospitalisations, sont adossés aux unités d’hospitalisation à temps complet : des hôpitaux de jour, des centres médico-psychologique (CMP) et centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), des places d’alternatives à l’hospitalisation (appartements thérapeutiques, appartements d’insertion, accueil familial thérapeutique).
Le projet du CHD est toujours en mutation, dans un contexte d’obstruction à l’élaboration d’un nouveau projet de soins. Toutefois, une dynamique a été amorcée suite aux arrivées récentes du directeur de l’établissement, du directeur des soins, d’une présidente de CME et à de nombreux départs à la retraite.
Le projet médical 2017-2021, fait l’objet d’une méthodologie impliquant toute la communauté médicale et conduite parallèlement au projet de groupement hospitalier de territoire (GHT). Simultanément, des travaux sont menés avec les élus locaux en vu de mettre en place un contrat local de santé mentale ayant pour ambition de développer les offres d’hébergement et la mise en œuvre de commission « de situations complexes » par mesure préventive. Des réunions se sont tenues au CHD avec l’ARS, la préfecture et le TGI afin d’améliorer les pratiques et procédures des autorités judiciaires et administratives notamment pour renforcer leur solidité juridique.
Plus de 1 000 équivalents temps plein travaillés constituent les effectifs du CHD, dont 54 médecins dont le nombre a connu un déficit significatif qui est en train de se réduire. Au cœur d’une région particulièrement déficitaire, seule une politique résolue d’encouragement de recrutement d’internes a permis de faire remonter leur effectif à huit.
Concernant le reste du personnel, environ trente agents font actuellement défaut, avec une montée significative de l’absentéisme et un taux de turn over fort (chaque année plus d’une cinquantaine d’infirmiers sont recrutés), et le recrutement est entravé par les contraintes financières et notamment le gel du montant de la dotation annuelle de financement (DAF).
Au cours des premières années de présence, la nécessité de former les soignants aux métiers spécifiques de la psychiatrie laisse peu de place aux volets pourtant essentiels des droits individuels et de l’isolement et de la contention. Les crédits sont quasiment réservés aux formations directement liées à la psychiatrie, les séquences relatives aux droits des malades restent peu nombreuses.
L’activité du CHD est en augmentation avec une proportion importante, mais en diminution, d’admissions en soins sans consentement (en 2016, 687 patients soit 21,52 % de l’activité globale).
Les registres sont soigneusement tenus et renseignés dans de brefs délais. Toutefois, ils sont parfois incomplets en ce que ne sont mentionnés ni la date de notification des différentes décisions rendues, les voies de recours et les droits du patient, ni la date et les décisions rendues par le JLD. En outre, les levées d’hospitalisation complète avec passage en programme de soins ne sont que rarement notées.
Les décisions d’admission et les certificats médicaux ne sont pas horodatés, ils sont parfois laconiques mais il en va différemment des certificats postérieurs (24 et 72 heures) et des avis motivés qui sont circonstanciés et actualisés.
Les contrôles institutionnels sont insuffisants mais l’implication des associations de familles au sein des instances de l’hôpital favorise la qualité de la prise en charge.
L’arrivée des patients admis sans consentement s’accompagne d’une notification des droits, qui mérite d’être mieux formalisée sur le fond et les documents d’information transmis aux patients sont très incomplets.
Dans chacun des pôles, le patient est accueilli dans une unité spécifique d’accueil, par des soignants qui lui présentent les restrictions qui lui seront imposées concernant les sorties, les cigarettes, les visites, le téléphone, en fonction de l’état clinique du patient. Un agent administratif du bureau des admissions est chargé, en présence d’un infirmier, de la notification des décisions et aux audiences du JLD. La mise en pyjama n’est pas systématique mais pratiquée seulement quand le patient est placé en chambre d’isolement. La procédure d’information des patients n’étant pas formalisée institutionnellement, les modalités de délivrance des informations et la nature de celles-ci varie selon les unités et les professionnels.
Les droits du patient en soins sans consentement ne figurent ni dans la décision d’admission ni en annexe de celle-ci ; ils ne sont pas davantage affichés dans les unités. Le livret d’accueil qui ne reprend pourtant pas les droits spécifiques si ce n’est l’intervention du JLD à l’issue d’une période de douze jours d’hospitalisation.
La préparation de la sortie est faite de multiples autorisations de sorties courtes et progressives mais qui ne sont pas répertoriées.
Le contrôle du juge des libertés et de la détention et rigoureux et s’effectue dans le cadre d’une procédure respectueuse des patients. Les patients sont rencontrés dans une salle d’audience installée dans un bâtiment qui a été réhabilité à cette fin.
L’établissement dispose de dix chambres d’isolement, d’une surface comprise entre 9 et 19 m², dont quatre situées dans des unités ouvertes. Toutes les chambres permettent le respect de l’intimité des personnes qui y sont placées, un sas séparant les chambres d’isolement du couloir, est équipé de WC et d’une douche. Elles sont toutes bien éclairées naturellement par de grandes fenêtres munies de volets roulants. Néanmoins, leur équipement est hétérogène et certaines méritent une rénovation.
Le parcours des patients et les pratiques d’isolement doivent être analysés au sein de l’établissement, afin d’éviter le transfert des patients isolés entre les unités et de garantir le maintien de la chambre ordinaire du patient. Les séjours en isolement sont courts mais leurs modalités diffèrent selon les unités. La contention est peu pratiquée.
La liberté d’aller et venir des patients reste très encadrée et connaît, dans certaines unités, des restrictions qui n’ont pas de caractère exceptionnel. Cinq unités sont constamment fermées : Chaslin, Mezie, Corbaz B, une zone de Van Gogh et l’unité des adolescents ; la justification avancée pour ces fermetures tient à la présence de patients en soins sans consentement ou à la présence de patients très désorientés comme ceux atteints de la maladie d’Alzheimer.
Pour les mineurs, la sortie de l’unité n’est possible que sur prescription médicale et de façon accompagnée, avec un soignant ou les parents.
Un service de médecine générale a été ouvert au sein du CHD, composé de deux médecins généralistes, d’une diététicienne, d’une psychomotricienne et de deux kinésithérapeutes à temps plein d’un pneumologue (à 0,05 ETP) ; il bénéficie de locaux dédiés aux consultations.
Les conditions de vie quotidienne sont satisfaisantes : la restauration est correcte, les patients autorisés peuvent accéder à une cafétéria très agréable, les patients peuvent utiliser des machines à laver disponibles dans les unités et il n’existe pas de restrictions systématiques concernant l’usage du téléphone portable et du tabac.