Observations du ministère de la santé – UMD de Plouguernevel (2e visite)
Observations du ministère de la justice – UMD de Plouguernével (2e visite)
SYNTHESE
Du 1er au 5 juin 2015, cinq contrôleurs du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont effectué la visite de l’unité pour malades difficiles (UMD) de Plouguernével dans les Côtes- d’Armor.
Une première visite avait été réalisée en 2009.
Un rapport de constat a été rédigé et adressé le 8 septembre 2016 au directeur de l’établissement. Celui-ci a fait part de ses remarques qui ont été prises en compte pour la rédaction de ce rapport de visite.
Cinquième UMD ayant vu le jour en France, l’UMD de Plouguernével, dénommé Christian Codorniou , a ouvert ses portes en 2008.
Cette UMD est située dans un bâtiment moderne, de plain-pied, et accueille des patients des régions Bretagne, Pays de la Loire et Basse-Normandie, tout en assurant des admissions pour l’ensemble du territoire français au titre de la solidarité nationale. À leur arrivée, les patients sont affectés dans l’une des deux unités de vingt lits en fonction des places disponibles.
Chaque unité est divisée en deux zones : l’une diurne, où les patients prennent leur repas et vaquent à des occupations diverses mais pauvres, quand ils ne sont pas en activité, dans la cour ou en entretien, et l’autre nocturne, où se trouvent les chambres individuelles occupées la nuit et pendant la sieste. Le pôle d’activités et la cafétéria sont communs aux deux unités.
Des locaux propres, vastes, fonctionnels parfois au détriment du confort et de l’intimité
Les locaux sont vastes, fonctionnels et propres. Ils ont été conçus avec une préoccupation sécuritaire prédominante, parfois au détriment du confort de vie et de l’intimité des patients. Chaque chambre est dotée de plusieurs œilletons donnant jusque dans la douche et possède deux portes d’accès permettant d’y entrer en nombre mais aucune n’est équipée de postes de télévision ou d’émetteurs de musique comme il en existe dans certains établissements hospitaliers, même en chambre d’isolement. Les salles de détente, salles à manger et autres cabines téléphoniques sont équipées de grandes vitres, de telle sorte que l’on est toujours à portée de regard et que toute recherche d’intimité est vaine. Les espaces de vie et les locaux de consultations sont impersonnels, uniformes et froids. En l’absence des patients qui déambulent, on pourrait croire que l’espace n’a jamais été habité.
Un personnel en nombre, motivé et formé
Le personnel soignant, infirmiers, ergothérapeutes et psychomotriciens sont en nombre suffisant. Ils bénéficient d’une bonne formation lors de leur recrutement, puis de façon continue. Ils ont tous été formés à la méthode « oméga » permettant de gérer les crises de violence et se montrent, dans leur ensemble, motivés et dynamiques. Les échanges entre les deux unités sont peu fréquents, ce qui entraîne des différences de fonctionnement notamment dans la lecture des règles de vie qui régissent l’UMD.
Une notification des droits qui doit être repensée
L’affichage des droits des patients dans les espaces communs est incomplet, les documents qui les répertorient ne sont pas distribués de façon systématique et les infirmiers, peu rôdés à cet exercice, notifient des droits mécaniquement sans, souvent, en comprendre le sens ou la portée. Cette pratique semble davantage destinée à décharger la direction de ses responsabilités qu’à permettre aux patients de s’exprimer sur leurs modalités d’hospitalisation ou d’en contester le bien-fondé. Par ailleurs, le bâtonnier de Saint-Brieuc refuse de nommer des avocats commis d’office pour les audiences du JLD.
Des prises en charge thérapeutiques satisfaisantes, associant activités et sorties thérapeutiques mais des week-ends moroses
Les conditions de prise en charge thérapeutiques sont apparues globalement satisfaisantes. Le projet de service et les objectifs poursuivis sont clairs même si certaines pratiques sont apparues floues dans leurs règles d’application. Il a ainsi été difficile d’établir formellement les modalités de placement en « retrait » (confinement volontaire ou imposé d’un patient dans sa chambre à visée apaisante et permettant d’éviter un placement en chambre d’isolement). De même, les réponses des infirmiers quant à la possibilité pour les patients de conserver un livre la nuit ont été divergentes. Les réunions de synthèse hebdomadaires de chaque unité semblent constructives. Les échanges entre les professionnels de santé y sont intéressants et elles permettent d’adapter la prise en charge au plus près des besoins des patients. Les activités thérapeutiques, appréciées des patients, sont de qualité et les indications pour y participer sont discutées en équipe. Les sorties de courte durée, également à visée thérapeutique et toujours accordées par le préfet, sont aussi très appréciées des soignants et des patients. En revanche, le week-end est décrit comme morose et ennuyeux, faute d’activité.
Des règles dont la vocation n’est pas toujours limpide et un fonctionnement disciplinaire laissant craindre des dérives
Le plus difficile dans cette unité qui accueille des patients gravement malades et parfois dangereux, est d’évaluer la pertinence, à la fois quantitative et qualitative, des privations de liberté. Si certaines restrictions telles que le placement en chambre d’isolement, la mise sous contention ou l’obligation de prendre un traitement ont une vocation thérapeutique indéniable, ce n’est pas aussi clair pour d’autres mesures. Certaines règles ont pour origine des problèmes d’organisation. Les visites, d’une heure trente environ, sont autorisées en semaine mais interdites le week-end faute d’effectifs suffisants pour les surveiller. Du fait de l’arrivée de l’équipe de nuit et de la nécessité de faire des transmissions infirmières, la réintégration des chambres se fait à 20h et le retrait de tous les objets (MP3, jeux, mais aussi brosse à dents, dentifrice) a lieu à 21h. Plus rien ne se passe avant le lendemain matin à 7h. D’autres contraintes trouvent leur origine dans le fonctionnement disciplinaire. Les patients prennent leurs repas dans une salle commune. Ils sont quatre par table, toujours à la même place. Ils mangent sous le regard attentif des infirmiers et quand le repas est terminé, ils attendent que l’un d’eux les appelle. Un infirmier égraine le nom des patients. À l’appel de son nom, chacun se lève silencieusement, dépose son plateau à la cuisine puis retourne s’asseoir. Quand chacun a débarrassé son plateau, l’autorisation de se lever est donnée. Ce rituel se fait dans une atmosphère évoquant les maisons de redressement. Rien n’est laissé au hasard, chaque chose a sa règle et ce qui n’est pas autorisé est interdit. Enfin certaines privations ponctuelles semblent relever d’une démarche punitive.
Dans ce contexte, des dérives sont possibles et presque inévitables en l’absence de contrôle externe. Mais la CRUQPC ignore pratiquement l’existence de l’UMD, les autorités ne se rendent jamais dans l’unité, la commission de suivi médical se réunit mensuellement mais les visites réglementaires qu’elle effectue sont expédiées. Quant au collège des soignants prévu par la loi de juillet 2011, il est constitué pour les médecins, du psychiatre traitant et d’un de ses collègues exerçant à l’UMD.