Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Mulhouse (Haut-Rhin)
Observations du ministre de la santé – MA de Mulhouse (2e visite)
Observations du ministère de la justice – MA Mulhouse (2e visite)
SYNTHESE
En application de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, cinq contrôleurs ont effectué une visite à la maison d’arrêt de Mulhouse (Haut-Rhin) du 5 au 9 janvier 2015. Il s’agissait d’une seconde visite de cet établissement.
La directrice de l’établissement et son adjointe étaient toutes deux en congé pour une durée assez longue ainsi que le chef de détention. Néanmoins, il a été témoigné que les difficultés relationnelles à l’intérieur de l’équipe de direction – qui à l’exception d’une seule personne avait été totalement renouvelée depuis la précédente visite – constatées lors de la première visite n’étaient pas réapparues après ces changements. Cependant, la gestion du personnel présente des problèmes récurrents et la dégradation des conditions de détention se poursuit. L’effet de ces difficultés est en partie réduit, pour les personnes détenues, par l’efficacité des partenaires institutionnels. Comme on peut le regretter bien souvent, la qualité des conditions de détention des femmes apparaît comme subsidiaire dans les priorités de l’établissement.
Les difficultés de l’établissement en matière de personnel de surveillance ne sont pas efficacement surmontées : l’établissement souffre d’un absentéisme important auquel s’ajoute l’absence de remplacement de ceux de ses agents mis à disposition d’autres structures : le déficit a pu être suffisamment important pour conduire à des demandes de renfort. Par ailleurs, le professionnalisme des agents de surveillance est, pour nombre d’entre eux, discutable : tutoiement des personnes détenues, violences verbales, menaces.
Les équipes de surveillants se sont constituées par affinités, au détriment d’une cohérence globale du fonctionnement. En outre, le comportement qualifié de « perturbateur » de certains agents, notamment dans leur rapport avec les personnes détenues, qui s’en sont plaintes, rend difficile la position de collègues qui doivent ensuite restaurer les relations. Cette situation appelle une remise en ordre déterminée même si l’opération est de toute évidence délicate.
L’état des locaux est non seulement dégradé dans le bâtiment Schuman mais les conditions d’hygiène sont inacceptables, notamment au niveau D0 (présence de nuisibles, moisissures dans les douches) dont les cellules doivent demeurer inutilisées jusqu’à réfection. Toutes les cours de promenade du bâtiment Schuman devraient être rénovées et bénéficier d’équipements sanitaires et sportifs adaptés à leur configuration. La cour de promenade sans auvent devrait en être équipée afin de protéger les utilisateurs des intempéries. Le bâtiment Dreyfus est moins dégradé, néanmoins la cour de promenade nécessite l’installation de bancs, préau et toilettes.
La perspective de la construction d’un nouvel établissement ne justifie nullement le faible niveau d’entretien des locaux. Il est toutefois pris note des mesures envisagées à la suite de la visite des contrôleurs ; le suivi de ces mesures doit faire l’objet d’une particulière attention.
La qualité de l’accueil des arrivants est à souligner : les informations fournies sont complètes et adaptées ; un bilan sportif est proposé ; la réunion collective d’entrée est l’occasion non seulement de répondre à des interrogations et d’apporter des informations complémentaires mais également de faire passer le message que la période de détention doit être utilisée positivement en ayant recours à toutes les activités et remédiations proposées. Toutefois un effort doit être porté sur l’hygiène des cellules afin de garantir une cellule propre à tout nouvel arrivant.
Les particularités de la prise en charge des femmes détenues sont problématiques : alors que le traitement du courrier, y compris sa lecture, ne relève théoriquement que du vaguemestre, il apparait que les surveillantes peuvent lire le courrier en cas de risque particulier, par exemple suicidaire. Cette pratique n’est pas respectueuse des droits des personnes détenues dans cet univers d’autant plus clos qu’il est de petite taille et il est tout à fait indispensable de garantir que la lecture du courrier ne soit le fait que du vaguemestre, les surveillantes pouvant attirer son attention sur une situation préoccupante le cas échéant. Il convient de garantir un accès au travail ou à des activités occupationnelles, d’élargir les possibilités de cantiner des produits féminins (maquillage, coiffure etc.) ainsi que de favoriser un accès équitable au téléphone avec l’installation d’un téléphone supplémentaire et une régulation effective des temps d’usage pour éviter une monopolisation par quelques détenues. De plus, la régulation des conflits et la protection des femmes les plus vulnérables devraient faire l’objet d’une attention plus soutenue de l’encadrement pénitentiaire.
Enfin le quartier des mineurs n’accueillant que des garçons, la jeune fille mineure hébergée avec les majeures au moment du contrôle était très isolée, ce qui n’est pas acceptable. En revanche, la possibilité qui est offerte aux mineures incarcérées de participer aux cours avec les garçons est une bonne mesure.
La qualité de la prise en charge des mineurs est globalement satisfaisante, en termes de projets, de scolarisation et d’activités. Cependant, alors que jusqu’à septembre 2014, les mineurs qui ne se rendaient pas en cours étaient sanctionnés de retrait de téléviseur, il parait regrettable que cette politique ne soit plus appliquée. Par ailleurs, l’accompagnement des mineurs dans leur apprentissage des gestes d’hygiène (nettoyage de leur cellule et les locaux communs) est insuffisant.
L’action des conseillers pénitentiaire d’insertion et de probation, en collaboration avec de nombreuses associations de réinsertion, mérite d’être soulignée, notamment s’agissant de la qualité de la prise en charge des personnes en fin de peine et de la prévention de la récidive.
L’unité sanitaire n’est pas accessible aux personnes à mobilité réduite ce qui réduit les possibilités d’accès aux soins de ces dernières. Les raisons conduisant au fait qu’environ 20% de l’activité de consultation programmée ne peut se réaliser faute de présence des personnes détenues au rendez-vous doivent faire l’objet d’une analyse conjointe des responsables hospitaliers et pénitentiaires pour remédier à la situation qui nuit à l’accès aux soins et à l’efficience du dispositif. Un suivi des mesures correctives mises en place devra être garanti. Une plus grande rigueur doit être apportée dans la gestion et la traçabilité des rendez-vous des psychologues. Les professionnels de l’unité sanitaire devraient développer des relations de partenariat avec les intervenants concourant ou intéressés à la santé des détenus.