Observations du ministre de la justice – UHSI de la Pitié-Salpêtrière à Paris
Observations du ministre de la santé – UHSI de la Pitié-Salpêtrière à Paris
SYNTHESE
Trois contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté ont effectué, du 29 septembre au 1er octobre 2014, une visite de l’unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) implantée au sein du groupement hospitalier La Pitié-Salpêtrière (GHPS), dépendant lui-même de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Cet établissement avait déjà fait l’objet d’un premier contrôle en décembre 2009.
Postérieurement à cette seconde visite, un rapport de constat a été rédigé et adressé le 17 avril 2015 d’une part au directeur du centre pénitentiaire de Fresnes, dont les services sont responsables de la garde de l’UHSI, d’autre part au directeur du groupement hospitalier, ayant en charge les soins dispensés dans l’unité. L’un comme l’autre ont fait connaître au contrôle général les observations que le rapport a pu susciter de leur part. Ces observations ont été prises en considération pour la rédaction du présent rapport.
L’UHSI-GHPS est une des deux composantes de l’UHSI « pôle parisien », la seconde étant l’EPSNF (établissement public de santé national de Fresnes) qui est un établissement de santé de quatre-vingts lits disposant de capacités d’hospitalisation en médecine, soins de suite et réadaptation fonctionnelle ; cette unité est située dans le domaine pénitentiaire de Fresnes.
L’UHSI de La Pitié-Salpêtrière, située au sein même du GHPS, constitue une unité fonctionnelle de vingt-cinq lits. Elle a une compétence médico-chirurgicale et a vocation à prendre en charge des patients détenus, pour des séjours de courte durée, relevant principalement de la médecine et présentant des pathologies lourdes dont la prise en charge dépasse la capacité de l’EPSNF. Depuis la première visite, sa zone de ressort a été redéfinie et ne comprend plus que la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Paris et une partie de la DISP de Dijon, la Bretagne ayant été rattachée à l’UHSI de Rennes et la totalité de la DISP de Lille à l’UHSI de Lille.
Lors de la visite du CGLPL, vingt et un patients majeurs hommes étaient hospitalisés dont vingt provenaient d’établissements pénitentiaires de la région Île-de-France.
I/ Des améliorations sont intervenues depuis la précédente visite.
Deux changements notoires ont été effectués concernant le processus d’orientation et les critères d’admission. Les médecins des unités sanitaires des établissements pénitentiaires d’Ile-de-France adressent directement leurs patients à l’EPSNF de Fresnes ou à l’UHSI de La Pitié-Salpêtrière. L’articulation entre les deux services semble aujourd’hui satisfaisante grâce aux échanges réguliers entre les deux médecins chefs de service.
Les critères d’admission à l’UHSI, considérés comme stricts au moment de la première visite, se sont nettement assouplis. Les consultations de pré-hospitalisation au sein du GHPS sont maintenant rares. Ainsi, les patients admis pour une intervention chirurgicale sont hospitalisés quarante-huit heures à l’avance dans le cadre de la consultation pré-opératoire en anesthésie. Par ailleurs, des consultations en chirurgie viscérale et en chirurgie orthopédique ont été mises en place à l’EPSNF. Cette nouvelle organisation a considérablement réduit le nombre des doubles extractions. En outre, les patients relevant d’une hospitalisation en ambulatoire sont également admis dans l’unité.
Des améliorations ont été réalisées concernant les conditions matérielles d’hébergement. Depuis la première visite, l’accès au téléphone pour les patients alités a été rendu possible grâce à la mise en place d’un téléphone mobile. Les patients détenus peuvent ainsi téléphoner depuis leur chambre en toute intimité et confidentialité. S’agissant des objets personnels qu’il est autorisé d’apporter, les patients détenus ont maintenant la possibilité de faire usage de leur rasoir personnel. Enfin concernant la pratique du culte religieux, les patients de confession musulmane peuvent disposer de leur tapis de prière.
II/ Certaines situations déjà relevées demeurent problématiques.
Si des efforts ont été réalisés pour améliorer la qualité de l’information transmise aux personnes détenues dans le cadre d’une hospitalisation programmée, il n’en reste pas moins que le taux d’annulation de ces hospitalisations reste élevé. Les motifs de ces annulations sont variés et ne peuvent pas être uniquement attribués aux conditions d’hospitalisation. Les parloirs, une demande accordée pour un accès à l’unité de vie familiale, une audience avec un avocat ou devant le magistrat sont autant de raisons à prendre en compte dans ces annulations. Un certain nombre d’annulations pourrait être évité grâce à une meilleure coordination entre les unités sanitaires, les services pénitentiaires d’insertion et de probation et l’administration pénitentiaire.
L’utilisation des moyens de contrainte demeure problématique. En dépit des recommandations formulées par le Contrôleur général à l’issue de la première visite, l’évaluation du niveau de sécurité n’est pas suffisamment individualisée. Les consultations médicales doivent se dérouler hors la présence d’une escorte et la surveillance doit être indirecte. Ainsi qu’il est rappelé dans l’avis du CGLPL du 16 juin 2015 relatif à la prise en charge des personnes détenues au sein des établissements de santé, publié au Journal officiel, le personnel pénitentiaire ne doit pas assister aux consultations et les moyens de contrainte doivent être évités pendant leur déroulement.
Il y a des contradictions entre différents acteurs en ce qui concerne les suspensions de peine pour raison médicale. Il en ressort que l’appréciation des conditions permettant de les octroyer est variable, une « frilosité » prévalant pour certains médecins de l’UHSI, mais également des unités sanitaires des établissements de provenance. Une réflexion commune devrait permettre d’harmoniser les pratiques et d’éviter que les demandes en urgence restent trop souvent privilégiées. En outre, ainsi que l’avait souligné le CGLPL à l’issue de la première visite, l’absence d’hébergement peut rester un obstacle à l’octroi d’une suspension de peine1. Il serait nécessaire qu’un ou une assistant(e) social(e) intervienne à l’UHSI afin de permettre une mise en oeuvre adaptée des droits sociaux des patients détenus.
Aucune cour de promenade n’a été aménagée pour les patients détenus. Certains peuvent bénéficier de séances de déambulations médicales prescrites par le médecin qui, du fait de restrictions imposées par l’administration pénitentiaire, ne peuvent pas se dérouler au quotidien et n’offrent aucun attrait. A l’exception de goûters organisés les week-ends et qui regroupent trois patients détenus au maximum, aucune activité n’est proposée à des personnes affaiblies et souvent démoralisées. Il conviendrait d’en organiser pour réduire le sentiment d’isolement des patients détenus.
III/ Des constats nouveaux justifient des mesures d’amélioration
Des difficultés portant sur l’organisation et la confidentialité des soins ont été observées. Avec l’accroissement de l’activité de l’UHSI, la règle selon laquelle seulement deux portes de chambres peuvent être ouvertes simultanément lors des consultations et des soins est préjudiciable à l’organisation de la prise en charge des patients.
Par ailleurs, l’ouverture des portes des chambres en l’absence du personnel soignant en cas d’appel pour raison médicale, en dépit des consignes, heurte la dignité du patient détenu, peut lui être préjudiciable et porte atteinte au secret médical.
Les pratiques concernant les fouilles effectuées à l’arrivée à l’UHSI devraient être harmonisées. Ainsi, quand une personne a fait l’objet d’une fouille intégrale au départ de l’établissement de provenance, l’opération ne devrait pas être répétée au moment de l’admission à l’UHSI. De plus, le registre des fouilles devrait être tenu de manière uniforme et détaillée, afin de lever les interrogations que sa lecture suscite.
Les règles de fonctionnement de l’UHSI n’autorisent pas les patients détenus à cantiner, à l’exception de ceux qui sont hospitalisés pour un long séjour. En pratique, il est apparu que même cette exception n’était pas appliquée. Un système de cantine doit être mis en place, comme dans d’autres UHSI, quelle que soit la durée de séjour.
S’agissant de l’organisation des parloirs, les agents pénitentiaires n’appliquent pas tous la même règle concernant les délais à respecter pour les prises des rendez-vous, les uns exigeant quarante-huit heures, d’autres vingt-quatre heures, d’autres enfin attribuant un rendez-vous le jour même de la demande. Il est nécessaire d’harmoniser ces pratiques pour proposer une organisation souple prenant en compte l’état de santé des patients détenus. Par ailleurs, les moyens nécessaires doivent être mis en oeuvre pour faciliter le maintien des liens familiaux : il n’est pas acceptable qu’une personne dont l’état de santé est très dégradé attende plusieurs semaines l’autorisation de recevoir la visite de ses proches.